Ibrahima Traoré : « En Ouganda, personne n’osait nous approcher à cause d’Ebola »
[dropcap]E[/dropcap]bola oblige, le Syli a dû jouer tous ses matchs de qualification pour la CAN 2015 à l’étranger. Ibrahima Traoré, le vice-capitaine de la sélection guinéenne revient sur ce parcours difficile et sur les ambitions de son équipe en phase finale.
La Guinée s’est qualifiée pour la CAN 2015 en disputant toutes ses rencontres « à domicile » non pas à Conakry, pour cause de virus Ebola, mais à Casablanca, sur terrain neutre. Une vraie performance qu’Ibrahima Traoré apprécie à sa juste valeur. À 26 ans, le vice-capitaine du Syli national, milieu du Borussia Mönchengladbach (Allemagne), est l’un des rares internationaux guinéens à être titulaire dans un club appartenant à l’un des meilleurs championnats du monde.
Jeune Afrique : Se qualifier en étant obligé de jouer tous ses matchs à l’extérieur, est-ce un exploit ?
Ibrahima Traoré : Non, car il est habituel que la Guinée soit en phase finale d’une CAN. À mes yeux, que cette qualification ait été acquise dans des conditions particulières n’est pas un exploit mais une très belle performance. Car partout où nous sommes allés, on ne peut pas dire que l’accueil ait été très chaleureux.
Avez-vous eu parfois l’impression d’être considérés comme des pestiférés ?
C’était très particulier. En Ouganda, les gens n’osaient pas nous approcher, il y avait sans cesse des contrôles sanitaires et, au stade, des supporters criaient « Ebola, Ebola ! » Au Togo, nous étions contrôlés plusieurs fois par jour, à l’hôtel, avant de pénétrer dans le stade… Que les autorités locales aient pris des mesures de précaution, nous le comprenions très bien, mais cela nous semblait parfois excessif.
Vous êtes-vous servis de cette atmosphère un peu pesante pour aller puiser encore plus de motivation ?
Bien sûr ! Cela a soudé le groupe. Il faut dire aussi que nous n’étions pas épargnés par les critiques. Avant le match au Togo le 15 novembre [gagné 4-1 par le Syli], on annonçait que nous étions nuls et que nous n’avions aucune chance de nous qualifier ; après le match, la même presse a dit qu’elle avait toujours cru en nous, que nous étions les meilleurs, etc. J’accepte les critiques, à condition qu’elles soient justifiées. Et mesurées. En Guinée, certains médias sont toujours dans l’excès et, au bout du compte, on ne fait plus trop attention à ce qu’ils disent ou écrivent.
Y a-t-il en Guinée une attente très forte autour de la sélection ?
C’est évident. Pour nombre de Guinéens, qui vivent dans des conditions difficiles, le football représente beaucoup. Je peux comprendre les attentes, l’envie de voir le Syli obtenir des résultats, mais il faut faire la part des choses entre ce que veulent les gens et ce qui est réalisable. La Guinée peut avoir des ambitions, mais elle n’a pas un réservoir de joueurs comparable à ceux du Cameroun, de la Côte d’Ivoire ou de l’Algérie. Et il ne faut pas oublier que l’équipe a pas mal changé ces derniers mois, avec l’arrivée progressive de nouveaux éléments. Cela dit, même si nous sommes dans un des groupes les plus relevés (Cameroun, Mali, Côte d’Ivoire), notre objectif est de passer le premier tour.
Être l’un des rares de la sélection à évoluer dans un bon club européen vous confère-t-il un statut particulier ?
Non. Je parle beaucoup avec le coach [le Français Michel Dussuyer], essentiellement parce que je suis vice-capitaine, je suis également titulaire, mais ce n’est pas parce que je joue en Allemagne que l’entraîneur ne m’engueule pas !
Partagez-vous les inquiétudes de certains sur la délocalisation de dernière minute de la CAN en Guinée équatoriale ?
Sincèrement, non. Je pense que si la CAF avait vraiment eu des doutes sur sa capacité à organiser la CAN, elle ne l’aurait pas confiée à ce pays. Il est vrai que nous jouerons deux fois à Malabo pour le premier tour, une ville qui a accueilli le tournoi en 2012, donc nous n’avons pas les mêmes interrogations que ceux qui sont basés à Mongomo ou à Ebebiyín.
JA