L’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara au début du mois d’août, a provoqué des manifestations parfois violemment réprimées à travers le pays, ayant fait au moins une quinzaine de morts. Depuis lors, le président sortant de Cote d’Ivoire, multiplie les coups de fil, à la recherche de soutiens extérieurs pour arriver à ses fins.
Dans sa ligne de mire, le président Ouattara avait à cœur de rencontrer son homologue français, Emmanuel Macron, qui a gradé un silence assourdissant depuis la volte-face de celui qu’il avait qualifié en mars dernier d’« homme d’Etat, homme de parole». Ce silence exprimait-il la déception du patron de l’Elysée, qui aurait voulu aider Ouattara à sortir par la grande porte ? En tout cas, la relation était froide.
« Nous nous sommes réjouis de nos convergences de vues sur la situation économique et politique en Côte d’Ivoire, notamment l’élection présidentielle dans un climat de paix ». C’est par ces mots qu’Alassane Ouattara a essayé de dissimuler sa déception à sa sortie de l’audience du vendredi 04 septembre. Mais en réalité, il s’est vu remonté les bretelles par un «Jupiter» qui s’est senti humilié depuis l’annonce de cette candidature qui a replongé la Côte d’Ivoire dans un nouveau cycle de violence, cette fois-ci pré-électorale.
Comment l’audience a pu avoir lieu ?
On aurait pu dire que le RHDP d’Alassane Ouattara avait tout misé sur l’ingérence de l’Elysée dans sa 3ème mandature contestée par l’opinion nationale ivoirienne, et par des activistes africains. Mais la réalité, elle en a été autrement, car elle s’est soldée par une douche froide !
Selon des informations recueillies en marge de la rencontre du vendredi dernier, le Président Macron ne voulait pas de cette rencontre. Celui-ci a fini par l’accepter grâce à l’activisme de Dominique Ouattara (épouse d’Alassane Ouattara), qui a dû remuer son propre réseau pour venir à la rescousse de son mari de président. Sont entrés en jeu, le milliardaire libano-ivoirien Pierre FAKHOURY, Melissa BOUYGUES (l’épouse de Martin BOUYGUES) et Vincent BOLLORE. Ces derniers ont été déployés auprès de Brigitte Macron, en vue de convaincre son mari de recevoir monsieur Ouattara. Les lobbyistes ont évoqué deux raisons pour ce faire : Si Alassane Dramane Ouattara n’est pas le futur président, ce serait le chaos en Côte d’Ivoire ; et les intérêts français seraient menacés. On aurait pu dire bravo à Mélissa BOUYGUES qui a pu obtenir une audience via Brigitte Macron. Mais c’était sans compter sur le contenu de l’audience.
La réponse de Macron à Ouattara
La réponse d’Emmanuel Macron ne s’est pas faite attendre. Paris n’étant pas très favorable au projet de 3ème mandat d’Alassane Ouattara, le président français ne pouvait officiellement s’afficher avec un personnage qui le mettrait en porte à faux devant l’opinion nationale et internationale. D’autant plus qu’il venait de présider la célébration du 150ème anniversaire de la République française quelques heures avant sa rencontre avec Ouattara. Ajouté à cela qu’il y a 6 mois dans un tweet publié, Emmanuel Macron avait félicité son homologue ivoirien suite à son annonce de non candidature, le présentant comme « un modèle de démocratie en Afrique » ! Face à cette insistance des proches, le président français a fini par le recevoir sous réserve d’acceptations des contres propositions :
Tenir un consensus de la classe politique sur chaque étape du processus électoral ;
Cessation immédiate des violences et qu’il n’y ait plus de troubles constatés sur le territoire ;
Aucune exclusion de candidatures y compris celle de l’ex-président Laurent Gbagbo et celle de Guillaume SORO, l’ancien président de l’assemblée nationale ivoirienne ;
Un scrutin ouvert à tous ;
La libération immédiate et sans conditions des prisonniers de ces derniers jours, y compris les députés emprisonnés sans jugement.
Si ceci est fait, Paris déclarera que la solution de crise (consensus) a été trouvée par les Ivoiriens eux-mêmes, et qu’elle ne manifesterait aucune ingérence.
Washington, le troisième larron
Les Etats-Unis restent en observateur, car après avoir trouvé un terrain d’entente avec Paris sur l’affaire de trafic de drogue impliquant le premier ministre Hamed Bakayoko et 157 membres du RHDP, Paris s’est senti contre son gré de se soumettre aux exigences de Washington, faute de voir la Côte d’Ivoire lui échapper et l’arrivée d’un pro-américain dans son pré-carré.
Affaire à suivre…
Source: Courrier diplomatique