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Mort de George Floyd : la charge inédite des généraux américains contre Donald Trump

Donald Trump insiste sur le besoin d’ordre depuis le début du mouvement né après la mort de George Floyd, mais des généraux de l’armée l'ont critiqué. Sa stratégie du clivage permanent a peut-être montré, cette fois-ci, ses limites, en l'isolant davantage.

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La tribune de l’ancien secrétaire à la Défense de Donald Trump, Jim Mattis, qui accusait le président américain de diviser le pays avec sa gestion des manifestations, n’en finit plus de faire des vagues. Jeudi 4 juin, la sénatrice républicaine de l’Alaska, Lisa Murkowski, a ainsi révélé avoir « du mal » à se décider à voter pour Donald Trump en novembre, estimant que le réquisitoire corrosif contre le président américain publié par l’ancien patron du Pentagone était « vrai » et « nécessaire ».

« Donald Trump ne s’attendait pas à ce que Jim Mattis, qui a toujours été dans son devoir de réserve, se positionne aussi clairement », affirme le spécialiste des États-Unis Jean-Éric Branaa, enseignant-chercheur à l’université Panthéon-Assas, contacté par France 24. « Et alors que Trump veut apparaître comme une figure d’autorité, ce général très respecté est venu sanctionner sa stratégie. »

La tribune de Jim Mattis était particulièrement incisive. « De mon vivant, Donald Trump est le premier président qui n’essaye pas de rassembler les Américains, qui ne fait même pas semblant d’essayer », a-t-il écrit dans une déclaration mise en ligne le 3 juin par la revue The Atlantic. « Au lieu de cela, il tente de nous diviser », ajoute l’ancien général des Marines.

L’ancien secrétaire à la Défense fait notamment référence à la journée du 1er juin. Ce jour-là, après avoir fait évacuer de façon musclée les manifestants qui se trouvaient devant la Maison Blanche, le président américain s’est rendu à pied devant l’église St John, « Bible » à la main, pour annoncer son intention d’avoir recours aux soldats sur le sol américain pour rétablir l’ordre.

Donald Trump « n’a pas caché son dédain pour le droit à manifester pacifiquement »

Pour l’ancien général Douglas Lute, membre des Conseils de sécurité nationale de George W. Bush et de Barack Obama, interrogé par le New York Times, l’opération de communication de Donald Trump traversant Lafayette Square, le petit parc jouxtant la Maison Blanche, aux côtés du secrétaire à la Défense Mark Esper et du chef d’état-major des armées Mark Milley, a été l’élément déclencheur. Selon lui, le président « à ce jour-là franchi la ligne » en matière d’utilisation de l’armée à des fins de politique partisane.

Depuis, la prise de position de Jim Mattis a libéré la parole au sein de l’armée. L’ancien chef d’état-major des armées, Martin Dempsey, a écrit sur Twitter que le pays n’était « pas un champ de bataille » et que ses « citoyens ne sont pas un ennemi ». « Peu importe l’objectif recherché par Donald Trump lors de cette visite (devant l’église), il n’a pas caché son dédain pour le droit à manifester pacifiquement dans ce pays », a écrit un autre ancien chef d’état-major des armées, Michael Mullen, dans une tribune publiée dans The Atlantic. De même, l’ancien général John Allen a affirmé que la menace de Donald Trump d’utiliser l’armée sur le sol américain faisait penser à « ce qui arrive dans les régimes autoritaires ». « Cela n’arrive pas aux États-Unis et nous ne devrions pas le tolérer », a-t-il ajouté.

 

Voir autant de critiques exprimées publiquement n’est pas anodin. Donald Trump n’a en effet pas intérêt, politiquement, à se mettre à dos l’armée, traditionnellement conservatrice et très respectée au sein de l’électorat républicain. Sa décision, jeudi 4 juin, de renvoyer à la maison les troupes venues se positionner à l’extérieur de Washington semble être le signe que les récentes critiques avaient été entendues.

« L’armée fait partie de l’ADN du parti républicain et Donald Trump l’avait bien compris lors de sa campagne en 2015-2016, souligne Jean-Éric Branaa. Il avait promis de s’entourer de généraux à la Maison Blanche — ce qu’il a fait — et a propulsé le budget de l’armée à des sommets jamais atteints. Il est apparu comme l’ami des militaires. Alors voire désormais des généraux devenir hésitants à son égard est un problème. »

« Avoir le courage de nos convictions pour le dire haut et fort »

Surtout si l’effet boule de neige emporte avec lui le Congrès. Car après les attaques venues de l’armée, les langues commencent à se délier chez les républicains modérés, comme l’ont montré les propos de la sénatrice Lisa Murkowski.

« J’ai trouvé que les mots du général Mattis étaient vrais, honnêtes, nécessaires et n’avaient que trop tardé », a-t-elle déclaré, jeudi 4 juin, à des journalistes au Congrès. « Il m’a semblé que nous arrivions peut-être au point où nous pouvions être plus honnêtes vis-à-vis des inquiétudes que nous gardons à l’intérieur, et avoir le courage de nos convictions pour le dire haut et fort ».

Aux journalistes qui lui demandaient si elle comptait voter pour la réélection de Donald Trump en novembre, elle a confié : « J’ai encore du mal avec cela. Cela fait longtemps que j’ai du mal avec cela ».

De telles déclarations sont rarissimes au sein du camp républicain, resté largement fidèle au président américain au cours de précédentes crises, y compris lors de son procès en destitution à l’exception notable de Mitt Romney. « Jusqu’a présent, il y avait un bloc derrière Donald Trump, les éventuels critiques à l’intérieur du parti faisaient profil bas, mais maintenant ces derniers commencent à parler ouvertement, note Jean-Éric Branaa. Or, le risque pour Trump, c’est de se recroqueviller sur son noyau dur. Et si celui-ci reste un soutien inconditionnel du président, il pourrait ne pas suffire pour gagner en novembre. »

France24
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