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Fria : les fonctionnaires deviennent les nouveaux patrons de la cité, la prostitution s’intensifie

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[dropcap]A[/dropcap]près près de quatre ans d’arrêt de l’usine Rusal-Friguia, principale source de revenus de la ville, pour cause d’une grève des travailleurs, les habitants de cette cité minière vivent actuellement les plus sombres moments de leur vie.

ville_friaAutrefois appelée Petit Paris grâce à la desserte regulière d’eau et d’électricité, la ville de Fria, située à 160 Km de Conakry, présente aujourd’hui l’image d’une ville fantôme vivant sur les ruines d’une catastrophe naturelle.

Dans cette cité où les habitants, essentiellement composés de travailleurs de l’usine, détenue actuellement par la compagnie Rusal, l’arrêt de celle-ci a provoqué une grave pénurie d’eau et d’électricité sans précédent dans l’histoire de cette ville créée dans les années 60, grâce à compagnie française d’alumine Pechiney.

Pour cause de fermeture de l’usine, les habitants de la ville sont exposés à toute sorte de vices, notamment la vente illicite de stupéfiants et la prostitution qui s’intensifient dans les différents quartiers animés de la ville.

Outre ces fléaux, les habitants de Fria, principalement les femmes s’adonnent actuellement aux activités des marchés hebdomadaires pour soutenir leur mari dont la majorité ne comptait que sur l’usine pour subvenir à leurs besoins.

L’arrêt de l’usine a diminué à sa plus petite expression le train de vie des travailleurs, qui autrefois rois de la cité, laissant du coup la place aux fonctionnaires d’Etat qui sont devenus les nouveaux maitres de la ville avec leur salaire mensuel régulier.

L’eau et l’électricité, deux denrées rares

Autrefois dépensées sans souci, l’eau et l’électricité se font maintenant rares à tel point qu’elles sont devenues des trésors derrière lesquels courent tout le monde.

Si la desserte de ces deux services sociaux de base faisait de la ville de Fria l’une des plus éclairées de Guinée, d’où son nom de Petit Paris, de nos jours, les robinets sont devenus secs et les lampes ne s’allument plus, faute d’électricité.

Si quelques années, les robinets ne se fermaient pas dans certaines concessions de la ville, après l’arrêt de l’usine, la donne a vraiment changé. Et pour cause !

Maintenant, pour avoir 20 litres d’eau, il faut parcourir plusieurs centaines de mètres pour en trouver. Ou négocier un conducteur de taxi-moto pour transporter des bidons d’eau dont l’unité est payée à 1000 GNF.

‘’Nous n’avons pas le choix. Il faut parfois marcher plusieurs mètres pour aller puiser de l’eau chez les voisins qui ont des forages dans leur cour. Si vous ne voulez pas faire cela, vous êtes obligés d’acheter des bidons d’eau avec les conducteurs de taxi-moto qui nous revendent un bidon à 1000 francs guinéens’’, témoigne Mme Bangoura, habitante du quartier Aviation.

Cette situation a contraint néanmoins la direction générale de Rusal-Friguia à continuer à desservir quelques sites qui restent encore alimentés en courant électrique dans la ville de Fria.

Il s’agit des trois immeubles de la ville, les deux hôpitaux (d’Etat et Péchiney) et le centre-ville, communément appelé Plateau, qui sont desservis tous les jours de 17 heures à 7 heures du matin.

La priorité donnée à ces sites dans la desserte en électricité fait d’eux les lieux les plus fréquentés de la ville. Beaucoup d’habitants y vont pour changer leurs téléphones portables ou vaquer à leurs occupations quotidiennes.

‘’Quand mes téléphones se déchargent, je viens ici au Plateau pour consommer une tasse de café et charger en même temps les batteries de mes deux téléphones’’, nous confie Isaac, un employé de l’usine à l’arrêt.

Ces places sont devenues aussi pour les élèves des lieux réservés aux révisions pour mieux préparer les examens nationaux.

‘’Chaque jour, je viens ici sous les immeubles pour apprendre mes leçons pour pouvoir bien préparer le Bac que j’affronte cette année’’, explique Mohamed, un jeune élève du lycée Amilcar Cabral.

La prostitution et les marchés hebdomadaires, principales sources de revenus

Autrefois réservés aux femmes et aux enfants des peres de familles les moins placés à l’usine, la prostitution et le négoce dans les marchés hebdomadaires se sont installés dans le quotidien des habitants de Fria, devenant ainsi leurs principales sources de revenus.

Dans les marchés hebdomadaires, ces femmes font le négoce de glace et de jus glacés ensachés dans les grosses glaciaires transportées dans des camions et des taxi-brousses.

‘’Par semaine, je peux faire deux à trois marchés hebdomadaires où je revends des glaces et des bonbons glacés. Chaque samedi, je vais au marché hebdomadaire de Tanènè (50 Km de Fria) en compagnie de mes enfants qui m’y aident. Et le lendemain (dimanche), nous nous transportons à Wawaya (environ 30 Km) pour faire la même chose. C’est grâce à ces différentes activités que j’arrive à nourrir ma famille et satisfaire les besoins de mon mari qui était contremaitre à l’usine. Avant l’arrêt de l’usine, je n’ai jamais connu ce que je fais actuellement’’, avoue Mme M’Balia, mère de sept enfants.

En outre, la prostitution qui était souvent importée de Conakry, s’est enracinée dans le quotidien des jeunes filles de cette cité minière, où le niveau de vie des parents leur donnait il y a quelques années une image à envier.

Avec le statut actuel des parents poussés au chômage, des jeunes filles dont certaines n’atteignent pas 18 ans, sont devenues des fonds de commerce pour leurs familles qu’elles nourrissent malgré elles.

Leur mode opératoire est de porter à la tombée de la nuit, des habits extravagants pour mieux attirer les rares clients qui viennent passer le week-end dans leur ville.

Dans les bars et cabarets de la ville, ces jeunes filles sont prêtes à satisfaire le client par ‘’passe’’ à raison d’une somme variant entre 20 mille et 50 mille GNF.

‘’Je fais ce métier malgré moi. Ma mère est actuellement terrassée par la tension artérielle, tandis que mon père qui nous soutenait, ne travaille plus à cause de l’arrêt de l’usine. C’est tous ces problèmes qui me poussent à sortir la nuit pour aller vendre mon corps’’, explique Amie, une jeune élève (17 ans) de la 10e Année d’une école privée de la ville.

‘’Avec ce que je gagne (50 à 100 GNF), j’arrive à donner la dépense et payer ma scolarité et celle de mes frères’’, révèle-t-elle.

Cette situation expose ces travailleuses de sexe aux fléaux touchant la majorité d’entre elles, notamment les grossesses non désirées et la contamination au VIH/SIDA.

Les fonctionnaires, nouveaux maîtres de la cité

Longtemps relégués au second plan par les travailleurs de l’usine, les fonctionnaires d’Etat sont devenus, avec l’arrêt de l’usine, les nouveaux patrons de la ville de Fria.

Malgré que leurs salaires soient inférieurs à ce que touchaient les travailleurs de l’usine, les fonctionnaires (enseignants et les employés de la préfecture) sont devenus ‘’les banques de crédit’’ pour ces ouvriers qui ne cessent de s’endetter auprès d’eux.

Si autrefois, ces fonctionnaires bdneficaient de peu de considération de la part des travailleurs de Rusal-Friguia, aujourd’hui, en cette période de conjoncture difficile, ils ont réussi à se faire respecter grâce à leur salaire qu’ils perçoivent au moins régulièrement à la fin du mois.

Un reportage de Boubacar Sidy Baldé

De retour de Fria

Tel : 669 96 52 97

 

 

 

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