Conakry : un litige domanial paralyse les activités au centre-ville, des coups de feu entendus près du palais présidentiel
[dropcap]L[/dropcap]a descente matinale des forces de l’ordre sur la concession de l’imam de Boulbinet dans le quartier du même nom, au centre-ville de Conakry, a provoqué ce mercredi matin de violentes émeutes, ayant entrainé la paralysie des activités dans les quartiers de Boulbinet, d’Almamya, Manquepas et Sandervalia, a-t-on constaté.
A l’origine ? Un litige domanial concernant la concession habitée par l’imam de Boulbinet, située à quelques encablures du palais présidentiel.
Selon plusieurs témoins, c’est après à 6 heures du matin, après la prière de l’aube, que des gendarmes sont venus décoiffer la toiture de la maison pendant que les habitants y étaient couchés.
Surpris par la visite des forces de l’ordre, les habitants de la concession et les voisins ont accouru pour s’opposer à la décision des gendarmes. Mais en vain.
Munis d’armes automatiques et de matraques, les gendarmes ont fait usage de la force pour décoiffer pour décoiffer la maison et détruire ses différents pans au grand dam des membres de la famille de l’imam qui était allé rendre visite à quelqu’un après la prière de l’aube.
Au cours de la démolition de la maison, tous les biens de la famille de l’imam ont été ensevelis par les gravats des différents murs du bâtiment.
La démolition de la concession a aussi enregistré des cas de blessés parmi les membres de la famille de l’imam dont des enfants.
Irrités par l’acte des gendarmes, des jeunes du quartier ont érigé des barricades sur tous les grands carrefours de Boulbinet scandant des slogans hostiles au président Alpha Condé, au chef d’état major de la gendarmerie, le général Ibrahima Baldé et au chef de quartier de Boulbinet qu’ils accusent d’être le complice de ceux ont détruit la concession de l’imam.
‘’Alpha Condé zéro ! Chef de quartier zéro ! Général Baldé zéro ! Dieu va vous payer par ce que vous méritez’’, pouvait-on entendre dans la foule.
Les barricades et les pneus incendiés ont enveloppé le quartier de Boulbinet dans une fumée noire visible sur plusieurs kilomètres.
Dans leur colère, les jeunes manifestants ont brûlé des pneus sur la 4e Avenue et sur la 6e Avenue, précisément au carrefour menant à la Banque centrale de Guinée.
Plus loin, sur la 5e Avenue, un minibus transportant des détenus devant participer à la démolition de la concession de l’imam, a été incendié et tous les prisonniers ont se seraient évadés.
Révoltés par la démolition de la maison de leur imam, les jeunes de Boulbinet ont voulu se rendre au Palais Sékhoutouréyah dans l’espoir de rencontrer le président Alpha Condé, mais ils ont été dispersés par des coups de feu d’armes automatiques.
Devant l’ampleur des émeutes, les activités ont été paralysées dans les quartiers de Boulbinet, Manquepas, Almamya et Sandervalia.
Les banques et assurances qui devaient ouvrir à 8H15 étaient obligées de retarder l’ouverture jusqu’au-delà de heures au grand dam de nombreux clients.
Pour calmer les esprits, l’imam de Boulbinet El hadj Lansana Khoumeiny Camara a été invité à la Primature par le Premier ministre Mohamed Saïd Fofana qui lui aurait dit d’attendre la réaction rapide des autorités pour la résolution définitive de ce problème.
A son retour de la Primature, l’imam s’est introduit dans son bureau érigé au sein de sa mosquée où il a reçu la visite de plusieurs personnalités dont une délégation du président de la République conduite par le Directeur général du Grand Hôtel de l’Indépendance (GHI) de Conakry Ibrahima Capi Camara, a-t-on constaté.
Interrogé par Conakryinfos, l’imam de Boulbinet a donné la genèse de cette concession dont il habite en ne payant pas de loyer depuis le vivant de son propriétaire qui l’avait hébergé là.
‘’Il y a plus de 18 ans que j’habite dans cette concession où je ne paie pas de loyer. Le propriétaire est décédé en me laissant avec son unique enfant qui est devenu aujourd’hui fou. Avant sa mort, il m’avait confié tous les documents de la concession en cas de problème dans le futur’’, a-t-il expliqué.
Avec la détention de tous ces documents, le religieux dit ne pas comprendre la réaction des forces de l’ordre qui ont tout détruit la maison qu’il habite alors qu’il avait dit aux autorités.
‘’Il y a quelques jours, nous avons reçu la visite des gendarmes comme quoi ils doivent décoiffer la toiture de la maison que j’habite. On m’a convoqué à la Cour d’appel, j’ai été là-bas avec tous les documents de la concession. Mais le procureur général a fait semblant de ne pas me voir jusqu’à mon retour. Ensuite, j’ai été à la gendarmerie où je leur aussi montré les mêmes documents. Là, on m’a dit que cette concession ne devait pas être au centre d’un litige domanial, car l’héritier est encore vivant. Nous sommes restés dans cette situation jusqu’à aujourd’hui où les gendarmes sont venus démolir la maison en détruisant tous mes biens et ceux des membres de ma famille’’, a renchéri l’imam de Boulbinet El hadj Lansana Khoumeniny Camara.
Pour le doyen El hadj Souna Yansané, un des sages de Boulbinet et un proche du président Alpha Condé, les émeutes d’aujourd’hui pouvaient être évitées si la gendarmerie avait suivi ses conseils.
‘’J’avais demandé à la gendarmerie d’attendre pour régler l’affaire à l’amiable. Le dossier ne mérite pas l’état dans lequel il s’est retrouvé’’, a-t-il déclaré.
Selon lui, la personne qui a porté plainte dans ce dossier n’est pas l’héritier de la concession en question.
‘’Le plaignant dans ce dossier n’est pas réellement de la famille. C’est une famille racolée. Moi-même, j’avais convoqué l’imam, les enfants de la concession qui m’ont présenté les documents authentiques qui prouvaient qu’on ne devait pas assister à de telles scènes. Mais le monde étant ce qu’il est, on a assisté à ce qu’on évitait depuis des mois’’, a ajouté El Hadj Souna Yansané.
Selon plusieurs sources non vérifiées, l‘imam de Boulbinet serait victime de son indépendance politique.
‘’Il y a des mains noires derrière la démolition de la maison de l’imam. Il doit être victime de son indépendance politique, car il n’appartient à aucune formation politique du pays. Le parti au pouvoir l’a maintes fois courtisé, mais il n’a jamais accepté d’être avec lui. El hadj Lansana Khoumeiny Camara a toujours voulu vivre sans aucune coloration politique’’, indique un habitant du quartier.
Jusqu’à 10H30 heures, la tension était vive entre les habitants du quartier et les forces de l’ordre dominées par police qui tente de rétablir un calme précaire malgré la colère des jeunes et des femmes de Boulbinet, un quartier abritant le palais présidentiel.
Boua Kouyaté
Tel : 669 85 20 20
Conakryinfos.com