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Présidentielle : Cellou Dalein prépare une contestation devant une Cour internationale

les Annonces 224

Alors que la Cours constitutionnelle s’apprête à donner les résultats définitifs  de la présidentielle du 18 octobre dernier, le candidat de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo-qui s’est auto-proclamé vainqueur avant même les résultats provisoires de la CENI- a encore introduit une requête aux fins d’exception d’inconstitutionnalité. En substance, le candidat arrivé en 2ème position, selon la Commission électorale, sollicite un débat contradictoire devant lui permettre de développer ses arguments et montrer des preuves., faute de quoi il se réserve le droit de contester les résultats devant la Cour de justice de la CEDEAO ou la Cour africaine des droits de l’homme.

Ci-dessous la requête

 

 

 

Cour constitutionnelle

République de Guinée

Instance : N° 108

REQUÊTE AUX FINS D’EXCEPTION D’INCONSTITUTIONNALITÉ

ASSORTIE DE MOYENS D’INCONVENTIONALITÉ

POUR :

Monsieur Mamadou Cellou Dalein DIALLO, né le 03 Février 1952 à Labé, de nationalité Guinéenne, économiste, domicilié au quartier Dixinn-port, Commune de

Dixinn, Conakry, Candidat de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 ;

AYANT POUR CONSEILS,

Maîtres Mohamed TRAORE, Amadou DIALLO, Pépé Antoine L A M A ,

Mamadou Souaré DIOP, Salifou BÉAVOGUI, Alseny Aïssata DIALLO, Alpha Yaya

DRAMÉ, tous Avocats au Barreau de Guinée, faisant élection de domicile au

Cabinet de Maître Pépé Antoine LAMA, sis : Commune de Dixinn, BP

1799, Conakry, Tel. 664.45.95.02 / 622.51.42.59.

DEMANDEUR

CONTRE :

  1. Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI)

DÉFENDEUR A L’INSTANCE PRINCIPALE

  1. Articles 47 et 48 de L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle

DISPOSITIONS LEGISLATIVES CONTESTEES

En application des articles 96 aliéna 2 de la Constitution, et 21 de la L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, le demandeur a l’honneur de soulever la présente exception, ci-après exposée relative : tant à la constitutionnalité, qu’à la conventionalité des dispositions des articles 47 et 48 de la L/

2011/06/CNT portant Création, Organisation et Fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

En date du 1er novembre 2020, Monsieur Mamadou Cellou Dalein DIALLO, candidat à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 a saisi la Cour constitutionnelle d’un recours de pleine juridiction en contestation des résultats provisoires proclamés par la CENI.

  • Ce recours formé dans le délai légal a été régulièrement enregistré sous le numéro : 108

À ce jour, aucune date d’audience n’a été fixée, ni a fortiori notifiée aux différentes parties à l’instance juridictionnelle ouverte devant la Cour constitutionnelle.

Manifestement, la Cour constitutionnelle n’entend pas permettre au requérant de présenter utilement ses moyens en droit et en fait, ni de contester les preuves présentées par la CENI.

Comme par hasard, l’article 47 de la Loi Organique L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle dispose :

« La procédure devant la Cour Constitutionnelle n’est pas contradictoire. Tout document produit après le dépôt de la requête n’a pour la Cour qu’une valeur de simple renseignement.

Le Président de la Cour désigne un collège de trois (3) rapporteurs. La Cour

Constitutionnelle prescrit toutes mesures d’instructions qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures devront être exécutées ».

Pour combler l’absurde, l’article 48 de la même Loi Organique dispose :

« Les audiences de la Cour Constitutionnelle statuant en matière constitutionnelle ne sont pas publiques. Les parties ne peuvent demander à y être entendues.

La Cour Constitutionnelle entend le rapport de son rapporteur, les conclusions du ministère public et statue par une décision.

Si la Cour Constitutionnelle relève dans la loi attaquée une violation de la Constitution qui n’a pas été invoquée, elle doit la soulever d’office. La Cour Constitutionnelle se prononce dans un délai maximum de 15 jours à compter du dépôt du recours ».

Ainsi, alors même que le requérant fait procès à la décision administrative portant proclamation des résultats provisoires, il n’est pas en mesure de débattre publiquement, équitablement et contradictoirement la cause qu’il a déférée devant la Cour constitutionnelle.

Les articles 47 et 48 de la Loi Organique L/2011/06/CNT sont, à l’évidence, contraires aux dispositions :

? de l’article 13 de la Constitution adoptée le 22 mars 2020 ;

? de l’article 31 de la Constitution adoptée le 22 mars 2020 ;

? de l’article 7 de la Charte Africaine des droits de l’homme ;

? de l’article 8 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948.

Dans ces conditions, le requérant est contraint de contester, par voie d’exception, non seulement la constitutionnalité, mais aussi la conventionalité des articles 47 et 48 de la Loi

Organique n° L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la

Cour constitutionnelle.

DISCUSSION

SUR LA RECEVABILITÉ DE L’EXCEPTION D’INCONSTITUTIONNALITÉ

 

  1. S’agissant de la compétence de la Cour constitutionnelle

En application des dispositions de l’article 103 de la Constitution adoptée le 22 mars 2020 :

« La Cour constitutionnelle est la juridiction compétente en matière constitutionnelle, électorale et des droits et libertés fondamentaux. Elle juge de la constitutionnalité des lois, des ordonnances ainsi que de la conformité des traités et accords internationaux à la Constitution.

Elle garantit l’exercice des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques.

Elle veille à la régularité des élections nationales et des référendums dont elle proclame les résultats définitifs.

Elle est l’organe régulateur du fonctionnement et des activités des pouvoirs législatifs, exécutifs et des autres organes de l’États ».

Précisons, que cet article est une reproduction à l’identique des dispositions de l’article 93 de la Constitution du 7 mai 2010.

C’est dire combien le peuple constituant tient à la protection et au respect des principes et règles constitutionnelles.

Le législateur organique abonde dans le même sens.

Il ressort de l’article 18 de la Loi Organique n° L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle que :

« La Cour Constitutionnelle statue sur :

? la constitutionnalité? des lois avant leur promulgation ; • le contentieux des élections nationales ;

? la validité des dossiers de candidatures aux élections nationales, ainsi qu’à celle des opérations de référendum ;

? le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, du Conseil Économique et Social, de la Haute Autorité de la Communication, de la Commission Électorale Nationale

Indépendante, de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains, du

Médiateur de la République, du Haut Conseil des Collectivités Locales quant à leur conformité? à la Constitution ;

? les conflits d’attributions entre les organes constitutionnels ;

? l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant les juridictions ;

 

EN CONSÉQUENCE, la Cour constitutionnelle est parfaitement compétente pour connaître l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant elle, en contestation des dispositions législatives en cause.

  1. Sur le droit de soulever une exception d’inconstitutionnalité

Il est acquis en droit interne, que tout justifiable peut soulever une exception d’inconstitutionnalité en contestation d’une disposition légale devant toute juridiction.

  1. a) S’agissant de la nature du texte de loi contesté par la voie de l’exception

3 Il ressort de l’article 21 de la même Loi Organique n° L/2011/06/CNT que :

« La Cour constitutionnelle se prononce sur la constitutionnalité et la conventionalité des actes de l’Assemblée nationale.

Sont susceptibles d’un contrôle de constitutionnalité ou de conventionalité, les lois qui sont adoptées par l’Assemblée nationale après l’entrée en vigueur de la Constitution ».

En d’autres termes, aucune disposition légale ne s’oppose à ce qu’une Loi Organique fasse l’objet d’un contrôle par voie d’exception, dès lors que la norme législative en cause a été adoptée « par l’Assemblée Nationale ».

La circonstance, sur ce point, que les Lois organiques font l’objet, avant leur promulgation, d’un contrôle a priori ne s’oppose pas à ce qu’un plaideur soulève, par voie d’exception, l’inconstitutionnalité d’une ou plusieurs de leurs dispositions.

Et si par extraordinaire, la Cour constitutionnelle entendait néanmoins établir, par la voie jurisprudentielle, une restriction au droit de soulever une telle exception, elle se heurterait néanmoins à deux obstacles majeurs.

EN PREMIER LIEU : Il n’est pas établi que la Loi Organique n° L/2011/06/CNT a fait l’objet d’un contrôle a priori.

La Cour constitutionnelle est entrée en fonction le 23 juillet 2015, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la Loi Organique n° L/2011/06/CNT.

Et si malgré tout, la Cour de céans devait considérer qu’un contrôle aurait été exercé devant

Cour suprême, alors compétente à l’époque de l’adoption dudit texte – ce qui reste à prouver

– la Cour constitutionnelle ne pourra que constater, qu’il ne ressort, ni des motifs, ni du dispositif d’aucun arrêt, que les articles 47 et 48 de la Loi Organique n° L/2011/06/CNT ont été examinés au regard des dispositions de l’article 9 de la Constitution de 2010, alors en vigueur.

DE CE CHEF, le requérant est parfaitement fondé à demander l’examen des dispositions de cette loi organique au regard de la nouvelle Constitution.

À défaut, cela reviendrait à priver les justiciables Guinéens du droit inaliénable de se prévaloir des garanties procédurales conférées par la nouvelle Constitution adoptée le

22 mars 2020.

EN DEUXIÈME LIEU :

Il est de notoriété juridique définitivement acquise, qu’il n’est pas impossible qu’une disposition légale alors conforme à la Constitution, à la date de son adoption, devienne inconstitutionnelle après l’intervention d’une nouvelle Constitution.

L’éminent Professeur Dominique ROUSSEAU a démontré clairement que : « si une loi peut apparaître et être jugée parfaitement constitutionnelle au départ, son application peut révéler que certaines dispositions, a priori conformes, sont en réalité contraires à la Constitution : soit parce qu’elles sont appliquées à des situations que ni lelégislateur, ni le Conseil n’ont imaginées, soit parce que la compréhension de tel ou tel principe constitutionnel – le principe d’égalité par exemple – a évolué dans le temps ».

? Dominique ROUSSEAU, « Droit du contentieux constitutionnel », 3 éd. 1993,

  1. 67.

En d’autres termes, la Cour constitutionnelle ne peut pas faire obstacle au droit de contester la constitutionnalité d’une Loi organique au motif qu’elle aurait fait l’objet d’un contrôle a priori.

4 Si une telle jurisprudence était adoptée, cela reviendrait à faire frontalement obstruction à l’exercice, par les justiciables, d’un droit consacré par la Constitution, en l’espèce, celui de contester une loi inconstitutionnelle.

Or, en application des dispositions de l’article 103 de la Constitution adoptée le 22 mars

2020 :

« La Cour constitutionnelle est juge des violations des droits fondamentaux et des libertés publiques commises par les pouvoirs publics, les agents de l’État et les citoyens ».

En tout état de cause, la Cour constitutionnelle ne peut, sans fondement constitutionnel explicite, restreindre les droits fondamentaux qu’elle a pour mission ultime de protéger.

Le contrôle de constitutionnalité exercé, a priori, sur un acte législatif dont l’application factuelle n’a pas encore épuisé toute sa portée ne peut pas servir de fondement juridique pour limiter le droit fondamental de soulever une exception d’inconstitutionnalité.

EN TROISIÈME LIEU :

En exerçant le contrôle a priori des Lois Organiques, prévues à l’article 104 de la nouvelle

Constitution, la Cour constitutionnelle se borne à examiner sa constitutionnalité à l’exclusion de toute autre forme de contrôle.

Il n’existe donc pas de contrôle de conventionalité a priori concernant, à proprement parler, les Lois Organiques.

Or, dans le cas d’espèce, le requérant conteste également, la conventionalité des dispositions des articles 47 et 48 de la Loi Organique n° L/2011/06/CNT.

Au surplus, l’article 31 de la Constitution du 22 mars 2020 précise clairement que :

« L’exercice des libertés et droits fondamentaux énoncés dans la présente Constitution et reconnu par les textes internationaux, tels que cités dans le préambule est garantie à tous sur l’ensemble du territoire national.

Il ne peut être soumis qu’aux limitations prévues par la loi et établies en vue du respect des droits et libertés d’autrui, de garantir l’exigence de morale, d’ordre public et de démocratie ».

Dans le cas d’espèces, si la Cour de céans entend véritablement dire le droit, elle ne pourra que constater :

?Que les textes internationaux cités dans le préambule de la nouvelle consacrent effectivement le principe selon lequel :

« Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Voir en ce sens :

  • Les Articles 8 et 10 de la DUDH de 1948
  • L’Article 7 de la Charte Africaine des droits de l’homme :

?Qu’il n’existe aucune limitation prévue explicitement par la loi s’opposant à ce

que Monsieur Mamadou Cellou Dalein DIALLO, citoyen Guinéen, puisse contester la validité d’une disposition législative au regard de la Constitution.

5 Au contraire, l’article 18 de la Loi Organique n° L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle consacre le droit de soulever : une « exception d’inconstitutionnalité soulevée devant les juridictions ».

?Qu’enfin, le droit de contester la constitutionnalité d’une loi Organique n’est contraire, ni à la morale, ni à l’ordre public, ni a fortiori à la démocratie.

PAR CONSÉQUENT, l’exception soulevée est parfaitement recevable, dès lors que le requérant ne se borne pas à exciper des griefs d’inconstitutionnalité.

  1. SUR L’INCONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS DES ARTICLES 47 ET

48 DE LA LOI ORGANIQUE N° L/2011/06/CNT PORTANT CRÉATION,

ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

LES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES DE RÉFÉRENCE :

Article 13 de la Constitution 22 mars 2020 :

« Toute personne a droit, dans un délai raisonnable et en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un Tribunal compétent, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute allégation en matière civile ou pénale dirigée contre elle ».

En l’espèce, l’article 47 alinéa 1er de la Loi Organique L/2011/06/CNT indique, sans autre précision, que :

« La procédure devant la Cour Constitutionnelle n’est pas contradictoire ».

Il s’infère donc de ces dispositions que « la faculté d’agir en justice », « le droit à un procès équitable » et « le droit à la défense » constituent des garanties constitutionnelles.

Dès lors, si l’exception d’inconstitutionnalité est un véritable procès fait à un acte législatif, il est inconcevable que le requérant, partie principale au procès, soit privé des garanties fondamentales d’un procès équitable que sont :

? le droit d’être entendu équitablement sur les reproches qu’il entend porter contre le texte de loi dont la constitutionnalité est contestée ;

? le droit de voir sa cause examinée lors d’une audience publique ;

? le droit de répondre, contradictoirement, aux arguments de la CENI ou, le cas échéant, des autres candidats à l’élection présidentielle ;

EN PREMIER LIEU, les restrictions imposées par les articles 47 et 48 de la Loi Organique

L/2011/06/CNT sont le résultat d’une confusion entre :

? d’une part, l’action exercée a priori par les institutions républicaines pour faire examiner la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation ;

? d’autre part, la contestation soulevée, par voie d’exception, postérieurement à la promulgation de loi.

Dans le premier cas de figure, il est admis, tant en doctrine, qu’en jurisprudence, qu’en matière de contrôle de constitutionnalité exercé a priori, le contradictoire ne s’impose pas.

6 En effet, qu’il s’agisse du contrôle des lois organiques (obligatoire avant leur promulgation) ou de celui des lois ordinaires exercé, sur requête du Président de la République, du

Président de l’Assemblée Nationale ou d’un dixième des députés, la Cour constitutionnelle donne un avis sur un texte qui n’est pas encore entré dans l’ordonnancement juridique.

La conséquence ultime de la décision de la Cour constitutionnelle consiste donc à admettre ou, le cas échéant, à s’opposer à l’entrée en vigueur du texte de loi déféré à son contrôle.

À ce stade, la Cour exerce une fonction de « vigile » dont le rôle est de veiller à ce que les actes législatifs contenant des dispositions contraires à la Constitution n’entrent pas dans l’ordonnancement juridique.

Au contraire, dans le second cas de figure, il s’agit d’une action positive par laquelle un justiciable défère à la censure de la Cour constitutionnelle une ou plusieurs dispositions légales postérieurement à leur promulgation.

Autrement dit, le requérant fait un procès à une loi qui est déjà dans l’ordonnancement juridique en vue d’obtenir son abrogation, si davantage la Cour constitutionnelle estimait qu’elle est contraire à la Constitution.

Il en résulte, par voie de conséquence, que le requérant a le droit d’être entendu publiquement et contradictoirement sur les chefs de reproches qu’ils portent contre les dispositions légales déférées devant la Cour constitutionnelle, mais aussi les preuves produites par son contradicteur.

Au surplus, l’audience publique constitue le symbole ultime d’un procès transparent.

C’est pourquoi la jurisprudence internationale est unanime sur le fait que le « droit d’être entendu en audience publique » et, plus généralement, « le droit de se défendre pour le succès de sa cause est garanti, même en matière de contentieux constitutionnel ».

Professeur Michel VERPEAUX schématise ce principe, en indiquant que :

« La représentation… est celle de n’importe quel procès : d’un côté, les requérants qui exposent leurs griefs contre la loi, soulèvent des moyens d’inconstitutionnalité et concluent à la censure ; de l’autre, le gouvernement qui répond, point par point, aux arguments de la saisine et demande au Conseil de rejeter le recours ; entre les deux, le Conseil, instancetiers, qui statue au vu de cet échange d’arguments. L’ensemble étant public, chacun peut apprécier le caractère contradictoire de la procédure et commenter la qualité juridique des argumentations et de la décision à l’instar de toute autre procédure et décision juridictionnelle ».

? Michel VERPEAUX, La procédure contradictoire et le juge constitutionnel,

RFDA, 2001, p. 339.

Dans le même sens, affirme M. Georges Abadie, ancien président du Conseil constitutionnel français : « Dans le cas d’un contrôle a posteriori et concret, c’est-à-dire s’exerçant à l’occasion d’un litige précis, le principe du contradictoire trouve à s’appliquer ».

? M. Georges Abadie, « Principe du contradictoire et procès constitutionnel »,

Contribution au deuxième Congrès de l’ACCPUF (Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du Français), Libreville, Gabon, 13-16 septembre 2000.

En d’autres termes, les juristes sont unanimes sur le fait que le principe du contradictoire s’impose avec la même rigueur en matière de contentieux constitutionnel, que dans lesautres contentieux juridictionnels.

7 Il est acquis définitivement, que le droit d’être entendu équitablement et contradictoirement s’impose aux juridictions constitutionnelles, au même titre que les juridictions de droit commun.

EN SECOND LIEU : il n’y a aucune raison impérieuse d’intérêt général justifiant, a priori, que

le législateur fasse obstacle à l’exercice de droits fondamentaux explicitement consacrés par la Constitution.

Il ressort de l’article 31 de la Constitution du 22 mars 2020 que : « L’exercice des libertés et droits fondamentaux énoncés dans la présente Constitution et reconnu par les textes internationaux, tels que cités dans le préambule est garantie à tous sur l’ensemble du territoire national.

Il ne peut être soumis qu’aux limitations prévues par la loi et établies en vue du respect des droits et libertés d’autrui, et garantir l’exigence de morale, d’ordre public et de démocratie ».

En prescrivant, sans aucun motif valable, que les parties au procès constitutionnel ne peuvent demander à être entendues contradictoirement, lors d’une audience publique, le Législateur a entaché les dispositions des articles 47 et 48 de la Loi Organique L/2011/06/

CNT d’un vice d’inconstitutionnalité.

D’autant plus, que l’article 48 alinéa 2 de la Loi Organique L/2011/06/CNT précise que : « La Cour entend le rapport du rapporteur, et les conclusions du Ministère public et statue par une décision ».

Or, le « Ministère public » est une partie au procès, au même titre que le requérant, contrairement au rapporteur qui, en tant que magistrat du siège, fait partie de la formation de jugement.

À l’évidence, le rôle du Ministère public consiste à porter, devant la Cour constitutionnelle, la position officielle de l’exécutif central.

En tant que représentant du Parquet Général, le « Ministère public » porte voie de l’État, par l’organe du « Ministère de la justice ». Se pose donc, la question de savoir, pourquoi le « Ministère public est obligatoirement entendu en ses conclusions », alors que, a contrario, le requérant devant la Cour ne peut pas être entendu. Il y a là, incontestablement, deux poids deux mesures.

Manifestement, l’article 48 de la Loi Organique L/2011/06/CNT instaure une situation inéquitable qui porte atteinte aux droits consacrés par la Constitution.

 

III. SUR L’INCONVENTIONALITÉ DES DISPOSITIONS DES ARTICLES 47 ET 48

DE LA LOI ORGANIQUE N° L/2011/06/CNT PORTANT CRÉATION,

ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

LES STIPULATIONS CONVENTIONNELLES DE RÉFÉRENCE :

Article 7 de la Charte Africaine des droits de l’homme :

« (1). Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :

a). Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;

b). Le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;

c). Le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ;

d). Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.

8 (2). Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n’a pas été prévue au moment où l’infraction a été? commise. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».

Article 8 de la DUDH de 1948 :

« Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ».

Article 10 de la DUDH de 1948 :

« Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Il ressort d’une jurisprudence internationale statuant en matière de droit à un procès équitable que :

« Chaque partie [au procès] doit en principe avoir la faculté non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions mais aussi prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentées au juge en vue d’influencer sa décision ».

? CEDH, 16 février 2000, Jasper c/ Royaume-Uni, req. 27052/95, §. 51. req.

27052/95 ; CEDH, 18 décembre 2018, MURTAZALIYEVA c./ RUSSIE, Req.

n° 36658/05, §. 91 ;

? CEDH, 23 février 1994, Stanford c./ Royaume-Uni, série A, n°282-A, §§.23-26.

« Chaque partie [au procès] doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire ».

? CEDH, 12 mai 2005, ÖCALAN c./ Turquie, n°46221/99, §. 140 ;

? CEDH, 22 février 1996, Bulut c. Autriche, req. n° 17358/90, Recueil 1996-II, p.

359, §. 47.

En matière de contentieux constitutionnel, en particulier, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, à plusieurs reprises, que les règles du procès équitable, en l’occurrence le respect du débat public et contradictoire, s’imposent également devant les juridictions constitutionnelles.

? CEDH 16 septembre 1996, SÜSSMANN c. Allemagne, Req. n°20024/92, §. 39

En l’espèce, les articles 47 et 48 de la Loi Organique L/2011/06/CNT font obstacle à ce que le requérant puisse débattre, dans le respect du principe du contradictoire, « les éléments nécessaires au succès de ses prétentions ».

Plus grave, il leur est matériellement impossible de prendre connaissance et de discuter les observations présentées par les autres parties au procès.

D’ailleurs, à aucun moment de la procédure, le requérant n’est informé de la teneur des conclusions du Ministère public ou des autres parties prenantes et ce, ni lors d’une audience publique, qui n’est au demeurant pas prévue, ni par signification d’acte d’huissier.

9 Or, il n’est pas contestable, que les conclusions des autres parties au procès sont destinées à « influencer » la décision de la Cour constitutionnelle, dans un sens ou dans un autre.

EN CONSÉQUENCE, le législateur a privé le requérant de son droit fondamental à être entendu équitablement et contradictoirement lors d’une audience publique.

PAR CES MOTIFS

PLAISE À LA COUR :

? PRENDRE acte de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée en contestation des dispositions des articles 47 et 48 de la Loi Organique n° L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle ;

? DECLARER le requérant recevable en son action ;

? CONSTATER, que l’exception d’inconstitutionnalité porte sur des dispositions légales de procédure qui sont applicables à l’instance pendante devant la Cour constitutionnelle saisie ;

? CONSTATER, l’inconstitutionnalité des articles 47 et 48 de la Loi Organique n° L/

2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, en tant qu’ils portent atteinte : au droit à un tribunal et au droit à un procès équitable, lesquels sont prévus et protégés par les dispositions des articles :

o 13 et 31 de la Constitution du 22 mars 2020 ;

? CONSTATER, en outre, l’inconventionalité des dispositions des articles 47 et 48 de la

Loi Organique n° L/2011/06/CNT portant création, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, en tant qu’elles portent atteinte aux droits fondamentaux consacrés par :

L’article 7 de la Charte Africaine des droits de l’homme ;

L’article 8 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de

1948.

? PRONONCER, en conséquence, leur abrogation pure et simple et procéder à la publication qui en résultera ;

? DIRE ET JUGER, qu’en tout état de cause, le droit d’être entendu publiquement et contradictoirement devant la Cour constitutionnel est garanti à tout requérant, agissant par voie d’exception, contre une disposition légale qu’il estime contraire à la

Constitution ;

 

? ORDONNER, en conséquence, que le requérant et ses avocats soient entendus afin qu’ils puissent présenter, à l’occasion d’un débat contradictoire, les moyens et les arguments au soutien de leurs prétentions.

Conakry le 5 novembre 2020

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