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Patrimoine : La France restitue au Sénégal le sabre d’Elhadj Omar Tall

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C’est un moment fort de la restitution à l’Afrique de son patrimoine que cette remise du sabre de l’un des plus farouches résistants à la pénétration coloniale.

A coup sûr, cette visite du Premier ministre français au Sénégal en cette fin de mois de novembre restera dans les annales des relations franco-sénégalaises. L’explication réside dans le fait qu’au-delà de la double opportunité de tenir un séminaire intergouvernemental et d’échanger dans le cadre du Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique, elle a donné lieu à la remise du sabre d’El Hadji Omar Tall, grand résistant à la pénétration française et chef religieux respecté qui a contribué à diffuser la Tarriqa Tijania, de rite malékite, au Sénégal, au Mali et plus largement en Afrique de l’Ouest. La remise a donné lieu à un moment solennel au cours duquel Edouard Philippe, premier ministre français, et Macky Sall, président du Sénégal, ont échangé dans une logique de dialogue véritable, de coopération et de respect mutuel d’une histoire partagée. S’il ne s’agit pas encore à proprement parler d’une restitution (le sabre fait encore partie des collections du Musée de l’armée à Paris), ce geste en est « la première étape », a dit le Premier ministre au cours d’une cérémonie au palais de la Présidence à Dakar en présence des descendants de l’illustre ancêtre à l’origine de la famille omarienne. Au cœur de la cérémonie : une très belle pièce de fer, de laiton, de cuivre, de cuir et de bois avec son étui.

Un sabre à forte portée symbolique…

« Nous sommes liés par l’histoire », a dit Edouard Philippe en faisant référence à la colonisation et aux relations privilégiées après l’indépendance du Sénégal, « et ce lien prend un accent particulier aujourd’hui ». Le premier ministre français a rappelé qu’il conservait lui-même précieusement son sabre d’officier. Et de poursuivre : « Le sabre qui nous réunit ici est infiniment plus prestigieux que celui que je possède, c’est celui d’un grand conquérant, celui d’un guide spirituel … le sabre d’un fondateur d’empire, l’empire toucouleur qui comprenait la Guinée, le Mali, le Sénégal actuel, c’est le sabre d’un érudit ». « C’est un amateur de sabre qui vous le dit : sa place est bel et bien ici, au cœur de l’ancien empire toucouleur », a-t-il poursuivi.

… dans la dynamique de restitution du patrimoine africain

« Ce jour est historique. Voici que les descendants d’anciens belligérants se retrouvent et sympathisent comme pour signer définitivement la paix des braves », a dit le président Macky Sall dans son intervention. « C’est symbolique. On nous l’avait prêté mais là on va nous le restituer », a dit à l’AFP le directeur du Musée des civilisations noires de Dakar, Hamady Bocoum. Comme d’autres présents à la cérémonie, il a dit attendre davantage, sous-entendu, d’oeuvres et objets du patrimoine aujourd’hui à l’étranger et notamment en France. « On est prêt à tout prendre », a-t-il ajouté.

Il faut rappeler que la restitution proprement dite, que ce soit d’un objet ou d’un groupe d’objets, doit donner lieu à une loi parce qu’ils appartiennent aux collections nationales et que la propriété en est « inaliénable et imprescriptible », dit-on à Matignon où on souligne que ces restitutions s’inscrivent dans une politique plus large de coopération culturelle. Le président sénégalais a d’ailleurs rappelé que « depuis des décennies, les restitutions font l’objet d’intenses et légitimes réclamations » de la part des pays africains. A ce jour, les collections publiques françaises renferment au moins 90.000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne. Plus des deux tiers – 70.000 – se trouvent au Quai Branly, dont 46.000 ramenés durant la période 1885-1960. Plus de vingt mille autres se trouvent dispersés dans de nombreux musées, y compris au Havre, dont Edouard Philippe fut le maire.

Cela dit, tout a commencé à bouger quand, au cours d’un discours à Ouagadougou le 28 novembre 2017, le président français, Emmanuel Macron, a indiqué souhaiter que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Il importe donc de noter qu’au beau milieu des accords politiques ou commerciaux signés dimanche, il a été paraphé une convention prévoyant le dépôt du sabre au Musée des civilisations noires de Dakar pour cinq ans, le temps que soit rédigée en France une loi sur la restitution proprement dite. Précision : le sabre se trouve déjà depuis plusieurs mois au musée de Dakar sous la forme d’un prêt. Pour en mesurer l’importance, un peu d’histoire.

Qui était vraiment El Hadji Omar Tall ?

Ce sabre est celui d’un érudit musulman et guide de l’importante confrérie des Tidianes, Omar Saïdou Tall, dit El Hadj Omar. Il fut à l’origine de l’empire toucouleur à cheval entre l’actuel Sénégal et l’actuelle Mali. Il combattit les troupes françaises alors dirigées par le général Louis Faidherbe de 1857 à 1859 avant de signer un traité de paix avec eux en 1860. Pour la petite histoire, il faut savoir que 1857, le 21 juillet exactement, est l’année où a été signé le decret créant le corps des tirailleurs sénégalais. Cela s’est passé à Plombières-les-Bains, dans les Vosges, entre justement le général Louis Faidherbe, alors gouverneur de la colonie du Sénégal et Napoléon III.

Pour revenir à El Hadji Omar Tall, selon les historiens sénégalais, il a disparu mystérieusement dans les falaises de Bandiagara, en pays dogon (Mali) en 1864. C’est son fils Ahmadou (1836-1897) qui lui a succédé et mais il a été vaincu par les Français en avril 1893 à Bandiagara aussi. C’est là que les Français et notamment le futur général Louis Archinard, alors colonel, s’emparèrent du sabre, à la lame de fabrication française et au pommeau en forme de bec d’oiseau, mais aussi d’autres pièces, des armes, des manuscrits et de l’or. Tous ces objets ont rejoint le Musée des Armées et n’ont commencé à en sortir que ces derniers temps. Quiqu’il en soit, un pmont vient d’être jeté dans la mémoire collective que partage la France et le Sénégal.

Source Le Point

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