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Ibrahima Docta : « la limitation de mandat est parfois contreproductive et antidémocratique… »

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En Afrique de l’Ouest, ces derniers temps, la question de l’alternance politique monopolise les débats, nourrit bien l’opposition des opinions, provoque l’affrontement à plusieurs endroits et cause de sérieux dégâts matériels et humains. En Guinée, plusieurs dizaines de morts sont enregistrés à l’occasion de la présidentielle du 18 octobre 2020, sanctionnée par la réélection du président Alpha Condé, investi hier mardi 15 décembre 2020. Que faut-il faire pour éviter pareil scénario ? Journaliste analyste politique, Ibrahima Docta Yattara répond aux questions de Conakryinfos

Pour un troisième mandat, le président Alpha Condé est investi ce mardi 15 décembre 2020. Quel commentaire en faites-vous ?

Que dire, sinon que félicitation à lui ! Je pense que sa victoire résulte de ses actions de développement. On peut ne pas l’aimer, certes, mais ne pas reconnaitre qu’il a engagé le pays sur un chemin profitable à tous, relève de la mauvaise foi. De mon point de vue, les Guinéens l’ont reconduit parce qu’ils savent dorénavant que nous sommes à la croisée des chemins sur tous les plans et que la Guinée à la mauvaise habitude de tout reprendre à zéro à chaque fois qu’il y a un nouveau régime. En soit, cette démarche du peuple étaient nécessaire puisque même les américains ont préféré offrir quatre mandats à Franklin Roosevelt pour profiter de son programme ‘’new deal’’ lors de la crise des années 30.

Mais l’opposition réclame toujours la victoire de Cellou Dalein Diallo…

Ecoutez ! La démocratie est fondée sur le contradictoire pour aller vers l’essentiel, qui reste le développement d’un pays. Les résultats d’une élection présidentielle n’ont pas été contestés dans quel pays africain ? D’ailleurs, cet état de fait n’est plus l’apanage de la seule Afrique, puis qu’à l’heure où on parle, Donald Trump peine encore à reconnaitre sa défaite aux Etats-Unis et continue à creuser tous les moyens légaux à sa disposition.

En Guinée, ce débat est clos ! La décision de la Cour constitutionnelle est inattaquable. Je pense que Cellou Dalein que je respecte beaucoup pour son sens de la compréhension, finira par entendre la voix de la raison. De toute les façons, on ne peut prétendre être démocrate et ne pas être dans l’esprit de la loi.

Quoiqu’il en soit, l’histoire retiendra qu’Alpha condé a changé la constitution pour s’offrir un troisième mandat, alors que la constitution l’accorde seulement deux.

D’abord, je dois rappeler que la constitution n’est pas un box fermé. Elle doit être adaptée au besoin du peuple. La France a amendé sa constitution combien de fois ? Les Etats-Unis l’ont fait combien de fois ? Je pense qu’on doit admettre que ce qui est bon pour nous aujourd’hui, peut être remplacé par quelque chose de meilleur.

Pour ce qui est de la limitation du mandat, il faut reconnaitre que cette question mérite réflexion. J’estime que l’Afrique est rentrée dans la démocratie avec précipitations. Les peuples des différents pays étaient fatigués des premiers présidents en place depuis l’indépendance et les intellectuels ont péché en acceptant de calquer la démocratie occidentale, sans penser que celle-ci est par endroit en déphasage avec certaines réalités de l’Afrique.

Pour ma part, je trouve que la limitation de mandat est parfois contreproductive et antidémocratique, en raison du concept même de la démocratie, à savoir que c’est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. J’estime que priver un peuple de choisir, par les urnes, un président autant qu’il veut –pour sa capacité d’amélioration de ses conditions de vie, pour ses projets de développement, pour ses réalisations, etc.- relève d’une violation de son droit.

Le vrai débat doit être autour d’une seule question : que faire pour la transparence des élections afin les résultats soient accepté de tous ?  Des efforts devraient être mener dans ce sens. Ainsi, le peuple ne sera pas dupé, il aura la possibilité de sanctionner le président qui ne s’inscrit pas dans la logique de son bien-être, qui ne répond à ses attentes. Il peut aussi   plébiscité celui-là qui répond à ses besoins.

Pensez-vous que l’alternance sera possible en Afrique dans ce cas de figure ?

Ecoutez ! L’alternance n’est qu’un des moyens de la démocratie. A travers elle, les citoyens peuvent se faire entendre. Elle traduit le mécontentement des citoyens à l’égard des dirigeants et découle de la volonté populaire de sanctionner un camp politique à travers les urnes.  En France, Nicola Sarkozy a fait un mandat avant d’être délogé de l’Elysée par les électeurs qui ont préféré, en 2012, François Hollande à lui. Ce dernier aussi n’a fait qu’un mandat. Cependant, la France a connu l’alternance pour la première fois en 1981, avec l’arrivée aux affaires de François Mitterrand. De 1965 à cette date, en effet, les partis de la droite se sont succédés au pouvoir, avec Charles De Gaule, ensuite George Pompidou, puis Valéry Giscard Destin. C’est pour vous dire combien de fois le changement de gouvernants n’est pas synonyme d’alternance et que le développement d’un pays ne dépend pas forcement d’elle.

Ce qui est démocratique c’est la possibilité pour le peuple de pouvoir changer ses gouvernants quand il ressent la nécessité. D’ailleurs, il y a des pays démocratiques où l’alternance ne se fait pas, en raison de la popularité du parti au pouvoir, ou parce que l’opposition est jugée inapte à gouverner par la plupart des citoyens. A titre de preuve, l’Afrique du Sud a une démocratie libérale et le Congrès national africain (ANC), parti du centre-gauche, a gagné toutes les élections nationales depuis l’avènement de la démocratie en 1994, et ce, en dépit de la présence de partis d’opposition très actifs sur le terrain, des partis qui mènent librement leurs campagnes.  La même chose est observée au Botswana. Là-bas aussi, le parti démocratique conservateur a remporté toutes les élections nationales depuis 1965, soit peu avant l’indépendance du pays. Donc, la possibilité d’alternance politique est une condition nécessaire à la démocratie, bien qu’elle n’en soit pas une condition suffisante.

D’ailleurs, si vous observez la vie dans des pays où l’alternance n’est pas encore consommée ou a pris plusieurs décennies avant d’intervenir, le développement est sur les rails et il y a peu sinon pas de violences liées aux élections.  C’est le cas du Japon, de la Chine et même du Rwanda tout près. Le moment venu, le peuple impose toujours l’alternance !

Pensez-vous donc qu’en Guinée il y a une mauvaise interprétation du mot alternance ?

Je crois que bien de gens savent que l’alternance, ce n’est pas seulement le changement de gouvernants. Le problème est qu’en Guinée, comme dans beaucoup d’autres pays africains, on réclame l’alternance simplement pour assouvir le seul envi de voir quelqu’un issu de sa communauté au pouvoir, et ce, quelques soit l’exploit du président en place au plan socioéconomique, au plan de développement etc. On se fiche de son idéologie, on se moque même de son programme de société, qu’il soit bien ou pas, on veut juste qu’il quitte le pouvoir pour qu’on puisse assouvir un fantasme égoïste. Mais, j’estime que le commun de l’opinion Guinéenne commence à se rendre au constat que cette façon de concevoir l’alternance est contreproductive, puisque le président Alpha Condé est réélu avec une majorité indiscutable.

Beaucoup de personnes, notamment celles de l’opposition ne seront pas de votre avis !

Libre à tout le monde de défendre son point de vue. Moi, je me fonde sur les données fournies par l’instances habilités et saluées par des instances internationales, notamment nos partenaires bi et multilatéraux. Je crois que la mobilisation internationale autour de l’investiture du président Alpha Condé étaye particulièrement mon point de vue.

Kadiatou N’Diaye

 

 

 

 

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