Sékou Koureissy Condé : « La démocratie est déjà en danger en Afrique. »

Après l’échéance de l’ultimatum de la CEDEAO aux putschistes nigériens le lundi à minuit, exigeant le retour au pouvoir du président Mohamed Bazoum, toujours détenu à Niamey, les inquiétudes grandissent quant à la possibilité d’une intervention militaire de l’organisation sous-régionale.

Le leader de l’ARENA, Sékou Koureissy Condé, exprime ses préoccupations quant à la viabilité de la démocratie en Afrique depuis son introduction dans les années 1960.

Selon lui, ce système n’a pas été adapté aux sociétés et aux valeurs du continent, contribuant ainsi à la recrudescence des coups d’État.

« La démocratie est déjà en péril en Afrique, car elle ne s’aligne pas sur nos sociétés et nos valeurs. Un système qui a engendré une multiplication de coups d’État au cours de ces 64 années d’indépendance ne fonctionne manifestement pas », a-t-il déclaré dans un entretien accordé à l’émission Mirador de la radio FIM FM ce lundi.

Sékou Koureissy Condé soutient que la démocratie a été importée d’Occident, ce qui expliquerait son dysfonctionnement en Afrique.

Selon lui, pour que le système fonctionne, il est nécessaire de réformer les institutions telles que l’armée et la justice.

« Les modèles démocratiques hérités du système colonial, en particulier dans la magistrature du système judiciaire, reposent sur le Droit positif occidental. Tout cela manque de caractère africain ! Les deux institutions clés, l’armée et la justice, nécessitent des changements. Je prône un changement de système en Afrique depuis 20 ans », rappelle-t-il.

En ce qui concerne l’échec de la CEDEAO dans la gestion des crises politiques en Afrique de l’Ouest, le président de l’ARENA estime que l’organisation est confrontée à un dilemme quant à la réponse à apporter aux coups d’État dans la région.

« Qu’entend-on par échec de la CEDEAO ? Si l’organisation ne recourt pas à la force militaire contre les armes, on dit qu’elle a échoué. Et quand elle envisage une intervention militaire, elle est qualifiée d’envahisseur ! Nous devons définir nos priorités », souligne-t-il.

Concernant le cas spécifique du Niger, où les nouvelles autorités sont en conflit avec les chefs d’État de la CEDEAO, Sékou Koureissy Condé explique que la prise de pouvoir par le chef de la garde présidentielle découle de son mécontentement.

« Le chef de la garde présidentielle a décidé de prendre le pouvoir en raison de son mécontentement », s’indigne-t-il.

En revanche, Sékou Koureissy Condé loue l’attitude de la Guinée, qu’il qualifie de « diplomatie sage ». Pour lui, malgré leur soutien à la junte nigérienne, les autorités guinéennes n’ont pas adopté le même discours que celles du Burkina Faso et du Mali.

Selon lui, le comportement modéré de la Guinée est enraciné dans la position historique du pays en tant que médiateur plutôt que dans des déclarations de guerre.

Pour mettre fin aux prises de pouvoir militaires en Afrique, Sékou Koureissy Condé propose que les pays africains abandonnent le système présidentiel au profit d’un système parlementaire. Il préconise également une intégration des forces armées dans les processus de décision pour éviter les coups d’État.

« Nous devons adopter un système parlementaire composé. Le régime présidentiel doit évoluer, car tout tourne actuellement autour du siège présidentiel. Politiciens, société civile, militaires, tous gravitent autour d’une position ou d’une personne. Il faut dédramatiser cela, faire en sorte que le président soit un arbitre, un symbole. De plus, il faut repenser la société en intégrant l’aspect militaire, la famille militaire et la dimension militaire dans la gouvernance. Nous devons les inclure. Nous ne pouvons plus les ignorer. Je souhaite que l’armée devienne institutionnellement partie prenante des décisions, qu’on ne puisse plus décider sans elle, qu’elle ne soit plus mise à l’écart. Nous les entretenons, les formons dans les meilleures écoles, leur octroyons des budgets, mais ils ne sont pas impliqués. Alors, que font-ils ? Ils prennent le pouvoir ! », insiste Sékou Koureissy Condé.

La question de la crédibilité de la CEDEAO et du rôle des forces armées des pays africains demeure en suspens dans l’opinion africaine après l’expiration de l’ultimatum de l’organisation au Niger.

Ibrahima Sory Soumah