[dropcap]L[/dropcap]e champion olympique a battu le Japonais Ruy Shichinohe. À 26 ans, il entre dans l’histoire avec ce 8e titre mondial, qui est un record absolu.
Il apporte à la France sa 2e médaille d’or après celle de Gévrise Émane (- 70 kg). Les Bleus ont glané au total sur ces Championnats 6 médailles individuelles avec l’argent de Loïc Pietri (- 81 kg) et Clarisse Agbegnenou (- 63 kg), le bronze de Automne Pavia (- 57 kg) et Fanny-Estelle Posvite.
« J’ai peur de ne plus être le meilleur »
Le champion olympique 2012 s’est imposé en finale sans sourciller face à un Japonais impuissant, qui l’avait fortement agacé en finale l’année dernière. Riner n’a pas explosé de joie, mais a fait le chiffre 8 avec ses doigts, devant sa compagne, son fils d’un an Eden, ses parents et son grand-père. Le colosse de 2,03 m pour 141 kg, à la pesée vendredi soir, est un homme de records. En 2007, il est devenu le plus jeune judoka sacré champion du monde. Il avait 18 ans.
« J’ai peur de ne plus être le meilleur, peur de me dire que demain ce sera fini. Je ne veux pas que ça se finisse, je veux être le meilleur. Et pour encore longtemps », aime à dire le Guadeloupéen, né aux Abymes il y a 26 ans. Exceptionnel, le colosse de 2,03 m pour 140 kg l’est. Et l’a toujours été. Par son gabarit, mais aussi sa détermination à toute épreuve. Son entraîneur en équipe de France, qui le suit depuis 11 ans, se souvient de sa première rencontre avec le phénomène : « J’étais allé voir Teddy aux Championnats de France cadets en 2004. Il avait 15 ans. Ce qui nous avait frappés, c’était le gabarit, bien sûr. Mais il était maigre : il devait faire 100 kg pour 1,98 m », raconte Franck Chambily. « C’était un gamin un peu comme aujourd’hui, un peu turbulent. Mais déterminé. Il avait déjà cette envie d’en faire plus que les autres et cette capacité à ne pas avoir de limite », ajoute l’entraîneur, alors adjoint de Benoît Campargue, en charge des juniors.
« Comme si on lui coupait un bras »
Impressionnés, les techniciens rencontrent rapidement les parents du jeune athlète, alors en pôle à Rouen. « Il est entré à l’Insep, mais c’était une exception parce qu’il était cadet », souligne Chambily. Riner, ultra doué et à la progression fulgurante, combine les deux catégories, cadets et juniors. Il fait sensation en 2005 en devenant champion de France cadets et juniors. Puis il cumule juniors et seniors.
En avril 2007, il remporte son premier grand titre senior aux Euros au lendemain de ses 18 ans. Et en août suivant, c’est la consécration avec son premier titre mondial. Il devient le plus jeune champion du monde de l’histoire, quatre ans avant d’être le premier judoka homme à coiffer cinq couronnes mondiales, en 2011. « Je suis à fond dans les records, lance-t-il joyeusement. J’ai envie de marquer l’histoire de mon sport ». Et pour cela, il s’entraîne à fond et n’hésite pas à se mettre dans le rouge. Car il déteste la défaite : « Pour lui, c’est un calvaire, c’est comme si on lui coupait un bras », confie Chambily.
Statue en cire, contrats en or
Champion olympique en 2012, Riner est invaincu depuis 95 combats. Il a été battu pour la dernière fois en septembre 2010, en finale des toutes catégories aux Championnats du monde. Sur décision des arbitres. Il a fallu le remobiliser, ce qui n’a pas été une mince affaire, tout comme lors des JO 2008 où il avait été battu au 3e tour avant d’accrocher le bronze. « Là, il faut bien le connaître. Parfois, il ne le fait pas pour lui mais pour sa famille. Lui n’a plus rien à prouver, il va chercher la motivation ailleurs », souffle le coach. La famille est une valeur essentielle dans la vie du champion, père depuis le 1er avril 2014 d’un petit Eden.
Superstar au-delà du judo, Riner est extrêmement sollicité par le monde extrasportif : il a sa statue au musée Grévin et a plusieurs contrats de partenariat, d’un équipementier à une marque de biscuits en passant par une boisson énergisante. En juin, une polémique a éclaté autour de sa rémunération au sein du club de Levallois (passée de 193 000 euros brut en 2010 à 429 000 en 2013, selon la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France).
Parrain de l’Institut des maladies génétiques Imagine, il vient de créer sa propre fondation, comme son grand ami et autre star, le basketteur Tony Parker, qu’il va souvent voir aux États-Unis. Elle s’appelle Planète Eden et est destinée à soutenir des enfants en difficulté.
AFP