[dropcap]A[/dropcap]près la signature de l’accord pour le développement du projet Koumbia entre l’Etat guinéen et l’AMC, la rédaction de Conakryinfos a rencontré cette semaine le député du groupe parlementaire des libéraux-démocrates, le Dr. Fodé Maréga pour parler du secteur minier guinéen en général, et de cette convention qui fait débat.
L’Observateur: Le nouveau régime revendique de plus en plus les acquis du secteur minier. Votre jugement ?
Dr. Fodé Maréga : Vous savez, l’actuel gouvernement a tenu de fausses promesses à la population qui ne cache plus sa déception. En quête de légitimité, le régime a tenté dès son arrivée, de faire croire aux Guinéens que le secteur minier était bradé à des sociétés et compagnies. Cette « opération de séduction » l’a plongé dans une vaste campagne visant à renier tous les acquis de l’ancien régime dans le domaine minier. C’est ainsi que l’on a assisté à la révision de l’ancien code minier dont les dispositions actuelles freinent tout espoir de relance de ce secteur en Guinée.
Se sentant visées par cette action du moins irrationnelle, plusieurs sociétés étrangères ont tout simplement plié bagages. Dans le but de faire revenir les mêmes investisseurs, le pouvoir est revenu à plusieurs reprises sur le code minier. Du jamais vu dans un pays normal. Une telle attitude voudrait dire que son auteur n’est même pas convaincu de son propre travail. C’est à cela que ressemble le pouvoir actuel. De toute évidence, le secteur minier guinéen est une chasse gardée du pouvoir pour régler des problèmes personnels. Pour revenir à votre question, je dirai que toutes les déclarations de ce pouvoir sur notre secteur minier ne sont que des effets d’annonces pour tenter de tromper une fois encore, la vigilance de la population.
Ce comportement peu orthodoxe est connu de tous, mais rares sont ceux qui se donnent le temps de le dénoncer dans l’intérêt de nos populations laborieuses à la recherche d’un véritable changement en Guinée.
L’Observateur: Est-ce à dire que vous êtes pessimiste quant à la sincérité de ce gouvernement ?
Dr. F.M: Moi personnellement, je ne crois pas à la capacité et à la volonté de ce pouvoir de booster le secteur minier pour le bien de la nation. Malheureusement, c’est la population qui paie le prix.
L’Observateur: Récemment le gouvernement à travers le ministère des Mines à signé un contrat avec l’AMC pour l’exploitation du gisement de Koumbia dans la région de Boké. Quelle est votre lecture de cet accord ?
Dr. F.M: Dans la signature de ce contrat, voyons également son caractère opaque. Il est dit que ce contrat engage l’AMC et le gouvernement. Cependant, tout récemment, le site d’informations occidentales Bloomberg annonçait la signature d’un accord d’achat de la concession de bauxite de l’AMC par le Groupe Chine Hongqiao à 120 millions US pour une réserve de 2,2 milliards de tonnes. Sommé de s’expliquer, le ministre des Mines a dit récemment ne pas être au courant de ce deal. Si l’affaire se confirmait, l’AMC serait sanctionné par le gouvernement. Cependant à la signature de cette convention entre l’AMC et le ministère, le même ministre vient d’affirmer que les négociations n’ont pas été faciles, mais que finalement toutes les parties gagnent. L’AMC qui affiche des difficultés financières est pourtant en négociation avec le Groupe Chine Hongqiao pour le gisement de Koumbia. Ce groupe chinois a clairement mentionné qu’il ne va pas réaliser des infrastructures de transformation de la bauxite, il ne prendra que la bauxite de la Guinée. Et dans d’autres pays, des lois sont votées pour interdire l’exportation de la bauxite au profit de sa transformation en alumine.
Cette mesure permet à ces pays de tirer le meilleur profit que lui réserve l’exploitation minière.
En Guinée, la faiblesse de l’Etat ne garantit pas une telle opportunité comme vous pouvez le constater. La seule voie empruntée est la gouvernance dans la fausseté et la propagande. Ce qui est aussi sidérant dans ce contrat, c’est que les Chinois emploient essentiellement leurs compatriotes dans les chantiers au détriment des autochtones. Quelle justice !
L’Observateur: Vous semblez donc écœuré par cet accord. A quoi peut-on s’attendre de votre part dans le cours terme ?
Dr. F.M: Pour le moment nous attendons que le document soit soumis à l’Assemblée Nationale. Notre combat est de sauvegarder les intérêts de la population face à un pouvoir construit dans le mensonge et qui a démontré ses limites.
Source: L’Observateur