Les examens de fin d’année ont enregistré un pourcentage d’échec largement au-dessus de la moitié du nombre de candidats. Plusieurs facteurs ont conduit au constat de cette réalité. Dans une interview qu’il nous a accordée, le directeur communal de l’éducation de Kaloum, Ibrahima Docta Yattara tente de décrypter la situation…sans complaisance !
Conakryinfos : bonjour M le directeur
Ibrahima Docta : bonjour !
A votre avis comment se porte l’éduction en Guinée ?
Dans l’ensemble l’éducation ne se porte pas bien en Guinée. Comme partout dans le monde, le secteur est affecté par la pandémie du COVID 19. On a été obligé de faire recours à des cours à distance à travers des médias et des réseaux sociaux. Mais, ça n’a pas été suffisant pour combler les difficultés dans le domaine.
Pour le cas spécifique de la Guinée, le phénomène du COVID19 a trouvé d’autres difficultés sur le terrain, des difficultés relatives notamment à des manifestations et grèves à répétition dans le secteur de l’éducation. En conséquence, on est au regret de reconnaitre que l’éducation a été sérieusement secouée en Guinée cette année, puisque c’est seulement au niveau des écoles privées- qui n’ont pas observé ces grèves intempestives- où les cours ont été presque normalement suivis durant une certaine période donnée.
Du coup, que faut-il retenir des résultats des examens dans votre commune ?
D’abord, au plan national, le pourcentage de réussite au BEPC par exemple se situe en dessous de 36%. A Kaloum, nous avons eu 32, 78 % d’admis sur les 1196 candidats présentés. Le 6ème de Conakry est venu de Toussaint dans la commune de Kaloum. Cette école a présenté 64 candidats et seulement 4 ont échoué. Au niveau des îles de Loos aussi, 11 élèves sont admis, alors que l’année dernière aucun candidat au BEPC n’a réussi. Il faut donc saluer les efforts consentis par les autorités sous-préfectorales de Kassa et les ressortissants de la localité pour aboutir à ce résultat cette année. Donc, comme dans beaucoup d’autres communes, les écoles privées ont permis de faire un résultat appréciable à Kaloum.
Doit-on comprendre que les établissements privés font mieux que les écoles publiques ?
C’est la question qui se pose justement ! On ne peut pas justifier cet état de fait par une raison pécuniaire. D’autant plus que personne ne peut dire que les écoles privées payent leurs enseignant mieux que l’Etat. Depuis l’arrivée du Pr Alpha Condé au pouvoir, aucun enseignant du public ne peut dire que son salaire n’a pas été multiplié par 2 ou 3. Mieux, tout dernièrement, il y’a eu des primes d’incitation de 450 000 à 1.300.000 GNF, selon les zones d’affectation. Et généralement, les enseignants des écoles privées viennent des établissements publics. Alors pourquoi les écoles privées ravivent la vedette en dépit de tous ces accompagnements ? Les réflexions doivent porter sur cette question.
Aujourd’hui, on doit saluer le gouvernement qui ne veut pas tromper ce peuple. Les autorités ont présenté des résultats qui montre le vrai visage du système éducatif du pays, alors qu’elles avaient toutes les possibilités de politiser la chose, surtout en cette période électorale. Mais sachant que l’éducation constitue le socle du développement, elles ont donné les résultats tel qu’ils présentent, à l’effet de tirer les leçons. Ce courage du chef de l’Etat dans le contexte actuel est à saluer. On comprend que s’il est reconduit à la tête du pays pour le premier mandat de la 4ème république, les reformes se feront dans la rigueur.
Donc, vous êtes satisfait de ces résultats ?
En voyant le pourcentage de réussite, aucun Guinéen sérieux ne peut se réjouir. Cependant, en analysant la situation en profondeur, on se doit de comprendre et de saluer le fait que les
autorités présentent une radiographie correspondant à l’état du malade. Le chef de l’Etat l’a toujours dit, le système éducatif Guinéen est en souffrance. Et il se bat pour y remédier à travers des réformes progressives parce que l’état des lieux n’est pas en adéquation avec la vision et le dynamisme qu’il veut donner au système éducatif du pays. Déjà, en 1995, alors député à l’Assemblée national, il a commencé à fustiger le système éducatif du pays.
On se demande finalement ce qu’il faut concrètement ?
Les remèdes dépendent du diagnostic établi. C’est en fonction du diagnostic qu’on saura si un simple médicament générique suffit ou s’il faut aller vers une chirurgie pour soigner le malade. Mais déjà, une commission de réflexion est en place dont le ministre actuel est membre. Dans son discours de fin d’année, il a exhorté les cadres de l’Education a organisation des états généraux. Le traitement d’un malade se fait progressivement. Avant, on parlait de pré-universitaire, mais aujourd’hui c’est le pré-scolaire qui est en place. Le président a très vite compris qu’il fallait adapter la formation au marché d’emploi et il a pris un décret dans ce sens. A la différence des régimes antérieurs qui ont mis l’accent sur l’enseignement supérieur, le pouvoir en place a privilégié les formations professionnelles. Le chef de l’Etat a affiché la volonté politique. A nous les cadres de l’éducation de jouer notre partition et apporter au système les corrections qui s’imposent afin de matérialiser la volonté politique du président Alpha Condé. Donc, après les états généraux de l’éducation, on verra exactement quel médicament faut-il pour soigner notre malade.
Propos recueillis
par Kadiatou N’Diaye