Ebola: le FMI sous pression pour alléger la dette des pays africains

[dropcap]L[/dropcap]e FMI se retrouve pressé de toutes parts d’alléger la dette des trois pays africains les plus touchés par Ebola, à l’heure où sa responsabilité dans la propagation rapide de l’épidémie est pointée du doigt.

Christine Lagarde, Directrice Générale du FMI.

Les appels à la clémence budgétaire ne se limitent pas aux ONG de lutte contre la pauvreté: une commission de l’ONU a estimé à la mi-décembre qu’une « annulation » de la dette de la Guinée, de la Sierra Leone et du Liberia devait être « sérieusement envisagée » pour leur donner un peu d’air.

Surtout, les Etats-Unis sont eux-mêmes montés au créneau en exhortant le Fonds monétaire international à effacer près d’un cinquième de la dette que ces trois pays, tous sous perfusion financière du FMI, doivent à l’institution (plus de 480 millions de dollars au total).

Une telle mesure permettrait de « libérer des ressources » pour faire redémarrer l’activité dans la région, où l’épidémie a fait plus de 7. 800 morts, avait expliqué début novembre le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, dont le pays est le premier actionnaire du FMI.

Réunis en Australie à la mi-novembre, les chefs d’Etat des pays du G20 ont encore accentué la pression en affirmant que la nouvelle enveloppe budgétaire de 300 millions de dollars promise par le Fonds contre Ebola devrait notamment prendre la forme d’un « allègement de dette ».

Ses modalités précises font actuellement l’objet d’une intense réflexion au Fonds, qui pourrait déboucher sur une proposition concrète « en janvier ». « Nos équipes sont en train d’explorer de nouvelles options pour soutenir les pays frappés par Ebola », déclare à l’AFP un porte-parole de l’institution.

– ‘Malentendu’ –

Gardien de l’orthodoxie budgétaire, le FMI doit en réalité étoffer sa boîte à outils, quitte à s’éloigner de son fonctionnement traditionnel qui consiste à prêter à un pays en difficulté et à exiger un remboursement intégral.

Après le tremblement de terre d’Haïti de 2010, le Fonds avait certes créé un mécanisme de gestion des catastrophes naturelles qui lui avait permis d’annuler les 268 millions de dollars de dette que lui devait ce pays des Caraïbes.

Mais ce mécanisme doit aujourd’hui être réformé. En l’état, il n’est censé répondre qu’aux catastrophes naturelles « dévastatrices », selon le FMI, et est inopérant dans le cas d’une épidémie comme celle d’Ebola.

Selon ses promoteurs, un allègement de dette du FMI permettrait d’épauler les pays victimes d’Ebola en évitant de les étrangler financièrement avec des prêts, même ceux à taux zéro.

« Le problème d’utiliser des prêts pour aider des pays pauvres tient au fait qu’ils doivent rembourser le moindre centime même si leur situation s’aggrave », explique à l’AFP David Roodman, conseiller indépendant sur le développement.

Sierra Leone et Guinée ont ainsi dû continuer à honorer leurs échéances financières vis-à-vis du FMI en 2014 malgré la crise Ebola, selon le site internet de l’institution.

Autre pourvoyeur d’aide pour les pays touchés par l’épidémie, la Banque mondiale assure l’avoir compris: elle dit avoir mobilisé 500 millions de dollars d’aide sous forme de dons « qui n’auront jamais à être repayés », affirme à l’AFP un de ses porte-parole, Phil Hay.

Le changement pourrait s’avérer plus difficile pour le FMI. « C’est un peu comme de demander à un banquier de se préparer à ne pas être remboursé. Ca va contre sa nature », souligne M. Roodman.

L’enjeu n’est toutefois pas mince pour les pays bénéficiaires. « Le grand mérite d’une aide financière via un allègement de dette est qu’elle permet des investissements sur le long terme dans les systèmes de santé et dans la prévention des maladies », déclare à l’AFP Eric LeCompte, directeur exécutif de Jubilee USA, une organisation de lutte contre la pauvreté.

Cela tombe à point nommé pour le FMI, dont les cures d’austérité des années 80-90 sont accusées d’avoir mis à plat les systèmes de santé en Afrique de l’ouest, favorisant la propagation actuelle d’Ebola.

Ce sont en tout cas les conclusions d’une récente étude menée par trois établissements britanniques et que le Fonds a catégoriquement rejetées en assurant qu’elles procédaient d’un « malentendu » et en défendant l’innocuité de ses remèdes.

AFP