L’ancien directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale et président du parti Mouvement Pour le Progrès (MPP) était l’invité de la semaine pour le compte de ce samedi 11 novembre 2023 dans les colonnes de Conakryinfos.com. Plusieurs questions liées au parti qu’il dirige, mais également, certains sujets d’actualité ont été abordés avec notre reporter.
CONAKRYINFOS.COM : Une année après le lancement de votre parti « Mouvement pour le progrès », faites-nous un bilan des activités déjà réalisées ?
Dr Fodé Cissé : Merci de m’offrir cet espace pour m’exprimer dans votre média, ceci dit, il y a une année effectivement, nous avions lancé notre mouvement qui dans un premier temps était un mouvement citoyen d’émancipation, mais au regard des choses et également vu la situation administrative et juridique portant réglementation des entités qui interviennent dans la vie publique, la majorité des membres de notre mouvement a décidé qu’on essaye de transformer notre mouvement en un mouvement politique, mais qui va garder une spécificité citoyenne. Depuis le lancement, il y a de l’enthousiasme et nous avons presque parcouru la plupart de nos préfectures. Et ce que je peux vous dire aujourd’hui, nous sommes réellement en phase d’implantation du parti. Et ce que je peux vous dire, il y a beaucoup d’adhésion et beaucoup partagent notre conviction. Et les idéaux qui nous animent et qui sont la promotion de l’identité guinéenne, de la culture guinéenne et de l’éducation guinéenne.
CONAKRYINFOS.COM : Quelles sont les perspectives au sein du parti MPP ?
Dr Fodé Cissé : Nous sommes un mouvement d’émancipation et de promotion de l’identité guinéenne. Parce que nous sommes partis d’un constat, depuis plus de 30 à 40 ans, nous avons remarqué qu’en Guinée, au niveau des acteurs publics, il y a ce qu’on appelle un effritement des valeurs d’exemplarité. L’élite guinéenne aujourd’hui, nous savons qu’elle n’est plus fière du pays. Cela se traduit dans le comportement de tous les jours des Guinéens. Par exemple, lorsque quelqu’un réussit en Guinée, le premier réflexe qu’il a aujourd’hui, c’est d’installer sa famille en dehors du pays. Quel est le motif qu’il avance ? Il n’y a pas de bonne école, il n’y a pas de bonne structure sanitaire. En un mot, l’écosystème politique et social ne favorise pas la bonne éducation des enfants, c’est le prétexte qu’il avance. Et pour nous, au MPP, nous considérons cela comme une démission. Ce qu’on voit en Guinée, vous ne verrez nulle part, même dans la sous-région. Vous ne verrez jamais l’élite sénégalaise faire venir sa famille en Guinée, payer des appartements ici et participer à la stimulation de l’économie locale. Vous ne verrez pas et même si vous voyez, c’est très rare. Allez-y au Sénégal, vous trouverez pleins de guinéens d’élite qui continuent à acheter des maisons et à installer leur famille, même chose en France et au Canada au nom de la formation, de la bonne éducation, qu’il n’y a pas d’infrastructure sanitaire digne de nom, qu’il n’y a pas de système de protection sociale. Mais là où ils vont, qui a fait pour eux ? Ce sont des citoyens de là-bas. C’est pourquoi nous, au MPP, nous disons qu’il faut une prise de conscience et mener une lutte implacable contre cette délinquance civique, qui bouleverse aujourd’hui notre organisation sociopolitique et économique (…) Notre slogan phare, c’est quoi ? Ce n’est pas un slogan de xénophobie, c’est un slogan de prise de conscience. Que l’élite accepte de revenir à la base et se connecter avec le pays. Voilà, notre conception et notre mouvement fait son petit bonhomme de chemin et on va se battre et nous sommes en train de le faire. Parce que, ce que nous défendons, c’est l’intérêt général.
CONAKRYINFOS.COM : Si on s’en tient au chronogramme de la transition de 24 mois, est-ce que votre parti est suffisamment mûr pour se lancer sur la scène politique guinéenne ?
Dr Fodé Cissé : Il y a un adage qui dit que, » aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », tout se trouve dans la pertinence du message et dans la pertinence de la lutte. Si la lutte est pertinente, les gens se reconnaissent au message, ce n »st pas notre précocité qui va nous empêcher de dire qu’on ne participera pas. Le mouvement est né il y a une année, mais pourquoi y a un engouement populaire autour de nous ? C’est parce que les hommes et les femmes se reconnaissent pour la plupart en nous, si la majorité se reconnaît en nous, cela veut dire que partout, on pourra être candidat. Ce sont les idées qui mobilisent les ressources et pas l’inverse. Nous, notre mouvement, nous voulons sortir de l’ethno stratégie, il faut quitter dans ça.
CONAKRYINFOS.COM : Nous sommes à moins de 13 mois de la fin annoncée de la transition, et jusqu’à maintenant, l’avant-projet de la nouvelle Constitution n’est toujours pas disponible. Quelles sont vos impressions ?
Dr Fodé Cissé : Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a deux camps qui se dessinent sur la scène politique, ceux qui sont pros CNRD et ceux qui sont contre le CNRD. Et moi, dans ma lecture de la transition, la transition, c’est une période de transition, et il n’y a ni opposition ni mouvance. C’est une période de rassemblement, de sursaut patriotique et qui nous permettrait de corriger nos erreurs, afin qu’on puisse doter ce pays d’institutions politiques et économiques et qui tirerait ce pays de l’ornière. Et très malheureusement, je ne suis pas en train de voir cela. Nous sommes dans une sorte de dilemme du prisonnier. Moi, je pense que nous faisons un mauvais procès au CNT, il faut que nous soyons un peu cohérents. Il sert à quoi aujourd’hui de nous proposer une nouvelle constitution, si les outils qui nous permettraient de valider cette constitution ne sont pas en place. Au CNT, l’approche qui est mise sur table, c’est celle qui consisterait à élaborer la constitution et à la soumettre au référendum. Mais, le référendum se fait avec quoi ? Mais avec un fichier électoral. Quand je vois les acteurs parler, je me demande s’ils sont cohérents dans ce qu’ils disent.
CONAKRYINFOS.COM : Vous avez espoir que le délai signé avec la CEDEAO sera respecté ?
Dr Fodé Cissé : Ce débat ne doit pas trop cristalliser les attentions, mais c’est tout à fait normal pour les uns et les autres. Mais pour moi, les glissements dans l’estimation d’un projet sont tout à fait naturels, maintenant, qu’est-ce qui est à la base du glissement ? Cela est un autre débat.
CONAKRYINFOS.COM : Par rapport à l’organisation des prochaines élections, croyez-vous que le MATD organise les élections dans l’optique d’avoir une main mise sur le régime qui viendra ?
Dr Fodé Cissé : ce n’est pas ma lecture Moi, aujourd’hui, on est un peu enfermé dans un dilemme de prisonnier parce que les deux entités ne communiquant pas, on n’est pas parvenu à les configurer comme notre scène politique. Il y a un groupe qui est pro et un autre groupe qui dit que je ne suis pas avec eux et je ne parle pas avec eux. Ceux qui disent que le MATD doit s’organiser, ils avancent des raisonnements rationnels et ceux qui disent que nous ne voulons pas, ils ont aussi leur logique rationnelle. Et tout ceci est dû au manque de confiance entre les acteurs. Il faut que les acteurs parlent entre eux, chacun dit qu’il a raison. Mais est-ce que ces deux raisons sont au service de l’intérêt général ? Il faut que les acteurs enfermés dans ces deux logiques se regardent en face pour qu’ils puissent parler entre eux afin d’aboutir à un consensus.
CONAKRYINFOS.COM : Êtes-vous d’avis avec ceux qui pensent qu’il est nécessaire d’avoir un nouveau gouvernement ?
Dr Fodé Cissé : J’insiste et je persiste là-dessus et je l’ai dit, je fais partie de ceux qui pensent qu’aujourd’hui que mon frère le Président Mamadi Doumbouya doit donner un nouveau souffle au-delà de tout ce qu’on dit parce que certains ont connu leur limite. Vous savez, quand vous parlez de remaniement, les gens s’agitent, mais cela fait partie de la vie politique et de la gouvernance moderne. À un moment donné, il y a une lassitude qui s’installe et il faut redynamiser les choses, on n’en a pas besoin aujourd’hui et cela s’impose. Il faut qu’il pense à nationaliser certains postes, au MPP, nous nous attachons à cela, parce qu’on ne peut pas accepter que quelqu’un occupe un poste de souveraineté et tu n’as même pas un chaton en Guinée. Où est-ce qu’on va avec la vertu ? Et où est-ce qu’on va avec l’exemplarité ? Parce que la vertu d’un dirigeant, c’est le fondement de la République. Et l’exemplarité par définition, ça va au-delà du respect des normes administratives, dire que je suis compétent, ça va au-delà de cela. Ce sont des valeurs que tu dois incarner, des mœurs que tu dois incarner. On ne veut plus des ministres à l’hôtel, on veut plus des hauts cadres qui sont là qui puisent nos ressources pendant que leurs familles sont à l’étranger, ce n’est pas de l’exemplarité ça. Il faut nationaliser certains postes, des gouverneurs qui se déplacent, quand un gouverneur est quelque part, il représente le chef de l’État, il doit être exemplaire et il doit être un modèle.
CONAKRYINFOS.COM : Vous aviez été accusé de détournement alors que vous étiez DG de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale et vous avez été finalement blanchi par la justice, quels sont vos sentiments aujourd’hui ?
Dr Fodé Cissé : c’est un sentiment de fierté et de satisfaction de devoir bien accompli. C’est sans rancune parce que pour moi, quand tu gères un bien public, tu as l’obligation de rendre compte et moi, je m’inscris dans ça et c’est ma conception de la chose. Il y en a d’autres qui ont dit que je devrais être réhabilité. Il n’est pas dit forcément que pour servir son pays, il faut obligatoirement un poste. Moi, je suis en train de servir mon pays merveilleusement parce que je suis en train de conduire à un changement de mentalité et ça n’a pas de prix, c’est plus qu’être ministre.
Interviewe réalisé par Mamadou Samba Barry
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