[dropcap]L[/dropcap]a pénurie persistante de l’eau potable dans la capitale guinéenne continue de susciter dépit et désarroi, notamment chez les habitants des quartiers dits en hauteur, sevrés des services de la Société des Eaux de Guinée (Seg) depuis plusieurs années.
Vigilantes et déterminées, soulignent-ils, à contraindre les pouvoirs publics à améliorer leurs conditions de vie, notamment la fourniture régulière de l’eau potable dans leurs ménages, classés dans la catégorie des plus pauvres, ces populations assurent ne pas pouvoir se laisser berner par des paroles ou des promesses rassurantes.
Le récent octroi d’une enveloppe de six millions de dollars US débloquée par le Japon en faveur de la Guinée, en vue d’améliorer la desserte de la capitale en eau potable, continue d’enthousiasmer les habitants des quartiers défavorisés, espérant voir la fin d’un calvaire continu.
La première adduction d’eau potable de la ville de Conakry date de 1903. La ville ne comptait que 450.000 habitants en 1960 contre plus de 1,6 million d’habitants, dont la majorité vit dans les quartiers de la banlieue ou souvent dans des bidonvilles où l’impatience gonfle depuis l’annonce du don du gouvernement japonais.
Parmi les quartiers situés en hauteur et dont l’approvisionnement en eau est quasi-inexistant, Dar es-salam, Bomboli, une grande partie du quartier résidentiel de Nongo, Entag, Tombolia, entre autres.
La dame Nènè Fatoumata, la trentaine, mère de six enfants, vendeuse ambulante, épouse d’un homme d’une cinquantaine d’années en chômage depuis une décennie, assure être enthousiasmée par la nouvelle du don japonais qui devrait amoindrir leurs souffrances «si l’argent offert gratuitement est destiné aux ayants droit ».
Nous qui vivons dans ces quartiers dits en hauteur, dit-elle et ne bénéficiant même pas de conduite d’adduction d’eau dans certains de nos quartiers, nos difficultés quotidiennes sont difficiles à évaluer et le choléra avait fait des ravages il y a quelques années chez nous, les démunis.
Les mois de juillet et d’août, qui déversent régulièrement des pluies diluviennes dans la capitale, sont «les meilleures périodes de l’année» pour les populations des quartiers sevrés d’eau potable. Les bassines et autres seaux d’eau, assurent des habitants, sont constamment laissés dans la cour en vue de recueillir de l’eau de pluie.
«C’est une réalité chez nous. Nous recueillons ces eaux de pluie que nous faisons bouillir avant de boire ou de préparer (…) », raconte pour sa part dame Halimatou, angoissée, habitant le quartier de Bomboli où sont bâties plus de baraques ou maison de fortune que de vraies maisons décentes d’habitation.
Ces différentes situations, encore vivaces dans des quartiers de la capitale guinéenne, plus de 50 ans après l’indépendance, assure-t-on, à la Société des Eaux de Guinée (publique), chargée de la distribution de l’eau potable dans le milieu urbain, «restent une préoccupation majeure».
Mme Fatoumata Kéita, directrice de l’Etude et de la Planification de la Seg, reconnait que sa structure ne donne pas entièrement satisfaction. Le déficit quotidien est estimé à 141.000 m3 par jour. La Seg ne produit actuellement que 167.000 m3 par jour, alors que le besoin journalier est de 308.000 m3.
«Cet écart, constituant le déficit dans la production quotidienne, est consécutif à la vétusté des installations de la Seg qui n’atteignent plus leur capacité normale», dit-on à la direction de la société qui précise que seules 25 villes sur les 33 préfectures du pays sont fournies en eau potable.
Toutefois, le dragage du lac de Sonfonia, en haute banlieue nord, ainsi que d’autres solutions palliatives, indique-t-on, devraient permettre d’augmenter de 20.000 m3 la production journalière.
Le gouvernement a précisé que le don japonais servira à acheter de nombreuses pièces de rechange, ainsi que des engins lourds pour la Seg qui reconnaît ses insuffisances, consolidées aussi par le refus de plusieurs abonnés de payer leurs factures. Environ 73% des factures sont payées à Conakry contre 80 % dans les villes de l’intérieur.
Les populations n’ayant pas de conduite d’eau potable et les moyens requis pour acheter quotidiennement de l’eau avec les revendeurs se rabattent chez ceux qui sont considérés comme des nantis pour avoir mis en place des forages à domicile, dont le coût d’implantation est estimé à environ 60 millions de francs guinéens (8.500 dollars US), précise-t-on à la direction nationale du Service national des points d’eau (Snape).
Selon le document de planification du développement, intitulé ‘Guinée, Vision 2010’, pour atteindre les objectifs de ‘la vision mondiale de l’eau en 2025’, décidée lors de la Journée mondiale de l’eau, convoquée en mars 2000 à La Haye (Pays-Bas), il faudrait fournir d’ici à cette date butoir aux populations urbaines 150 litres d’eau par habitant et par jour contre 50 litres à celles vivant en milieu rural.
Les besoins en eau domestique pour les centres urbains en 2025, précise la même source, seront de 414.682.632 m3, ceux des populations rurales de 168.944.758 m3.
En dépit de l’existence d’une dizaine de bassins fluviaux en Guinée, considérée comme ‘le château d’eau de l’Afrique’, où les fleuves Niger et Sénégal prennent leurs sources, le calvaire des populations ne cesse de croître à cause des contre-performances de ce même château d’eau.
PANA